Page:Henry - Les Littératures de l’Inde.djvu/45

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larges envolées ; mais, dans ces étroites limites, il n’est pas rare que, par la vivacité de l’image et l’heureux choix des mots, il atteigne la perfection. Si le poème piétine sur place, c’est d’un pas gracieux ou superbe. Deux ou trois idées, toujours les mêmes, ramenées pêle-mêle, forment la trame des célèbres hymnes à l’Aurore : quel barbare, pourtant, ne ferait écho au cri d’admiration qu’ils ont arraché aux plus blasés de beautés ?

La voici venue, l’aînée des lueurs ; il est né, son avant-coureur brillant et épandu[1] : à mesure qu’elle s’avance pour que Savitar fasse son œuvre[2], la Nuit a cédé la place à l’Aurore. — Elle est venue, la blanche, la radieuse au veau radieux, et la noire lui a cédé son siège : sœurs immortelles et successives, l’Aurore et la Nuit marchent, et l’une efface l’autre. — Éternel est leur commun chemin : chacune le suit à son tour, instruite par les dieux ; elles ne se le disputent pas ; bien fixées, jamais elles n’arrêtent, l’Aurore et la Nuit, d’accord et disparates. — La Lumineuse qui conduit les jeunes vigueurs, elle a brillé, la brillante, et nous a ouvert les portes : elle a fait lever le monde mobile, elle a pour nous trouvé les richesses ; l’Aurore a éveillé tous les êtres. — Pour que marche celui qui gisait, l’un pour jouir de la fortune, l’autre pour la conquérir, pour ouvrir aux yeux voilés d’ombre un vaste horizon, la généreuse Aurore a éveillé tous les êtres. — ... Elle s’est manifestée, la fille du ciel, rayonnante, jeune, brillamment vêtue : toi qui règnes sur tous les trésors de la

  1. Le feu du sacrifice matinal : cf, p. 10.
  2. En réveillant la nature et les hommes : cf. p 15.