Page:Henry Blatin - Viande de cheval - Communications faites à la Société protectrice des animaux.pdf/9

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

USAGE ALIMENTAIRE DE LA VIANDE DE CHEVAL

Par M. le docteur BLATIN, vice-Président

Nota. — Les pages qui suivent font partie d’un travail complet sur la matière et sont détachées d’un ouvrage qui sera prochainement publié sous ce titre : Nos cruautés envers les animaux ; ce qu’elles coûtent au point de vue de la morale, de l’hygiène et de la fortune publique.


……Une objection se présente encore ; elle est faite par les hommes qui ont le plus mes sympathies, par ceux qui ne comprennent pas qu’on sacrifie sans pitié, comme un animal de boucherie, le compagnon des labeurs de l’homme, de ses plaisirs, de ses périls. Quelles seraient, dites-moi, les conséquences rigoureuses de cette exagération de l’amour des bêtes ? Faudrait-il, avec notre grand poëte, avec Lamartine, marquer au front, comme un impitoyable bourreau, « l’homme saignant la colombe qui se penche apprivoisée sur son épaule, l’agneau caressant que ses enfants ont élevé pour jouer avec eux sur l’herbe, la poule qui chante sur son seuil, l’hirondelle qui aime cet hôte ingrat et lui confie ses petits, le bœuf qui a aidé le laboureur à creuser son sillon[1] ? »

On comprend le sentiment délicat exprimé par le vénérable pasteur Bodeker, dans une lettre adressée au Protecteur des animaux : « Je ne saurais assurément manger la viande d’un cheval que j’aurais monté ou connu. Le cheval, le chien nous deviennent si amis que nous croirions être anthropophages, si nous en consommions la chair. » Mais il ne pousse pas les conséquences de cette sensibilité jusqu’à s’abstenir d’un aliment dont, au contraire, il a, par son propre exemple, encouragé l’usage, dans un but philanthropique, et aussi pour soustraire les chevaux aux brutalités qu’on réserve à leur vieillesse. Cet honorable correspondant m’écrivait : « Depuis l’existence de notre Société protectrice de Hanovre (année 1847), en mangeant deux fois par semaine de la viande de cheval, je suis arrivé à faire dire à mes fidèles : Puisque notre

  1. M. Gaudry rapporte, dans ses Recherches scientifiques en Orient, que les Cypriotes se privent de manger la viande de leurs bœufs, parce qu’ils sont les compagnons de leurs travaux.