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PÉGASE


Voici le monstre ailé, mon fils — lui dit la Muse —
Sous son poil rose court le beau sang de Méduse ;
Son œil réfléchit tout l’azur du ciel natal,
Les sources ont lavé ses sabots de cristal,
À ses larges naseaux fume une brume bleue
Et l’Aurore a doré sa crinière et sa queue…

Flatte-le, parle-lui. Dis-lui : « Fils de Gorgo,
Pégase ! écoute-moi : mon nom, Victor Hugo,
Vibre plus éclatant que celui de ta mère ;
Mieux que Bellérophon j’ai vaincu la Chimère…
Ne me regarde pas d’un œil effarouché ;
Viens ! Je suis le dernier qui t’aurai chevauché.
Par le ciel boréal où mes yeux ont su lire,
Ton vol m’emportera vers la céleste Lyre ;
Car mes doigts fatigués, sous l’archet souverain,
D’avoir fait retentir l’or, l’argent et l’airain,
Veulent, à la splendeur de la clarté première,
Faire enfin résonner des cordes de lumière !… »
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