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Claire traversait justement le vestibule quand ils débouchèrent tous les trois de l’allée des sapins.

La gentille frimousse de René, sous son béret bien campé, qu’il s’empressa de retirer à la vue de la jeune fille, sa physionomie éveillée, souriante, ne pouvaient que plaire à celle-ci.

De fait, elle le trouva charmant et lui tendit la main avant même de connaître son nom.

Puis elle embrassa les deux petits, qui eux aussi, non pas à l’exemple de leur camarade, — ils y demeuraient indifférents — mais sur un ordre de lui, avaient mis leurs bérets à la main.

« Ah ! ah ! vous avez trouvé votre maître, à ce que je vois », dit Claire en souriant.

Et à René :

« Vous leur avez appris à saluer : c’est un succès ! Réussirez-vous également à les empêcher de se battre ?

— Je n’essaye pas, repartit le jeune frère de Thérèse ; ils s’en lasseront d’eux-mêmes, de se faire des bleus. Ce qu’il y a d’amusant, n’est-ce pas, mademoiselle, c’est qu’ils sont inséparables et s’aiment beaucoup. À peine se sont-ils battus que la paix est faite.

— C’est vrai, je l’ai déjà constaté.

— Ils ont tenu à venir ce matin. Ce n’est guère l’heure ; mais quand ils se sont mis quelque chose en tête, à moins de les attacher… »

Il riait.

« Oui, ils sont pas mal volontaires, appuya la jeune fille. Pour l’heure de nous rendre visite, c’est sans importance ; grand’mère est toujours prête à recevoir. Je lui ai amené Lilou et Pompon l’autre jour, il n’était pas huit heures. Venez, je vais vous conduire auprès d’elle. »

La vieille dame occupait sa place accoutumée, près de la fenêtre.

La lumière entrait à flots, si bien qu’elle avait essayé de reprendre son carreau à dentelle ; l’oisiveté lui pesait tant !

Bien vite elle posa son ouvrage en voyant paraître les petits. Ceux-ci furent auprès d’elle en une seconde.

« Bonjour, mère-vieux de Claire », firent-ils d’une seule voix, en la prenant d’assaut.

Elle les aida à monter sur ses genoux, et entoura de ses bras les deux corps fluets, riant à sentir des mains impatientes fourrager dans les coques de son bonnet.

« Et celui-là, demanda-t-elle, en examinant le nouveau venu, qui est-il ?

— C’est René, repartit Pompon. Il a une sœur Thérèse, et une princesse, et un plus bon hami, et un tout petit bébé qui sait pas causer. Z’en ai point, moi ; zes pas t’oncle, soupira-t-il d’un air de regret.

— Que dit-il ? » s’informa l’aïeule, peu familiarisée encore avec ce langage pittoresque.

René partit à rire.

« Il vous raconte qu’il n’est pas oncle, madame. Il m’envie beaucoup parce que je le suis. Ma sœur Thérèse a une petite fille, Fernande, que nous appelons entre nous « la Princesse », et un tout petit garçon. Si cela vous fait plaisir, je vous les amènerai. »

Grand’mère répondit affirmativement. On causa quelques minutes.

Lilou et Pompon avaient quitté ses genoux. Ils gambadaient au travers de la pièce, échangeant par-ci, par-là une gifle, au hasard des rencontres.

Leurs petits nez fureteurs interrogeaient l’atmosphère dans l’espoir d’y découvrir quelqu’affriolant parfum de gâteau.

Claire et René s’étaient assis en demi-cercle autour de la fenêtre, l’air un peu désœuvré. Pour s’occuper, René se mit à détailler du regard ce que renfermait l’immense salle. Quand il en fut aux deux portraits, il se leva et alla se planter en face, à bonne distance.

L’œil mi-fermé, les mains derrière le dos, très sérieux, il les disséquait en connaisseur.

Après un long examen, il décréta :

« Yucca trouverait que c’est de la bonne