Page:Hetzel - Verne - Magasin d’Éducation et de Récréation, 1903, tomes 17 et 18.djvu/232

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creux de l’estomac, mais qui n’atteignit que la hanche, l’autre s’étant effacé. Ils se saisirent alors à bras-le-corps et roulèrent enlacés, l’ami des enfants essayant d’achever, de renverser son ennemi, et celui-ci, tombé sur les genoux à la suite de son attaque manquée, donnant tout son effort pour se relever. Il y eut une minute où les forces s’équilibrèrent, où les deux corps tendus l’un vers l’autre, restèrent immobiles. Mais le bourreau fléchit ; ses épaules portèrent sur le plancher, et son vainqueur lui mettant les deux genoux sur la poitrine, leva un couteau… Personne ne fit un mouvement pour l’arrêter. On avait acclamé la chute : le spectacle continuait.

« Debout ! cria la voix du chef, qui survenait en écartant les matelots. Debout ! et assez ! ou je vous fais pendre tous les deux à la vergue. »

Le chef tenait un pistolet à la main ; son autre main caressait la crosse d’une seconde arme passée dans sa ceinture rouge. Les deux lutteurs se relevèrent et leurs couteaux se fermèrent.

« Chef, vous m’avez donné ces mômes : je veux les garder.

— Et, moi, j’avais ordre de les saborder… On a parié, cette nuit… »

Un grand silence régnait dans l’équipage.

« C’est bon ; qu’on laisse les mômes pour l’instant. Mais, si j’entends un seul piaulement, c’est moi qui lancerai les poulets par-dessus bord. Quant à vous, vous passez votre temps à vous chamailler, et le service en souffre. À la première querelle, je loge une balle dans la tête du plus proche de moi. Ça fait que le survivant pourra travailler. »

L’équipage applaudit à ce jugement et se dispersa.

Jacques Lermont.

(La suite prochainement.)


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