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BOURSES DE VOYAGE

hoquet, le noyau s’échappa, comme la balle d’une sarbacane.

Que faire, décidément ?… N’y avait-il plus de prescriptions à suivre ?… Avait-on épuisé toute la série des moyens prohibitifs ou curatifs ? … Est-ce qu’il n’était pas recommandé de manger un peu ?… Oui, comme aussi de ne pas manger du tout…

Les jeunes garçons ne savaient plus comment traiter M. Patterson, arrivé au dernier degré de prostration. Et pourtant, ils restaient prés de lui le plus possible, ils évitaient de le laisser seul. Ils le savaient, on recommande bien de distraire le malade, de chasser la mélancolie à laquelle il s’abandonne… Or, la lecture même des auteurs favoris de M. Patterson n’aurait pu amener ce résultat.

Au surplus, comme c’était de l’air frais qu’il lui fallait avant tout, et qu’il en eût manqué dans sa cabine, Wagah lui prépara un matelas sur le pont à l’avant de la dunette. Et ce fut là que se coucha M. Horatio Patterson, convaincu, cette fois, que l’énergie et la volonté ne valaient pas mieux contre le mal de mer que les différentes prescriptions énumérées dans sa formule thérapeutique.

« En quel état il est, notre pauvre économe ! … dit Roger Hinsdale.

— C’est à croire qu’il a sagement fait en prenant ses dispositions testamentaires ! » répondit John Howard.

Pure exagération, d’ailleurs, car on ne meurt pas de ce mal-là.

Enfin, l’après-midi, comme les nausées reprenaient de plus belle, intervint l’obligeant stewart qui dit :

« Monsieur, je connais encore un remède qui réussit quelquefois…

— Eh bien… que ce soit cette fois-ci, murmura M. Patterson, et indiquez-le, s’il en est temps encore !

— C’est de tenir un citron à la main pendant toute la traversée… jour et nuit…

— Donnez-moi un citron », murmura M. Patterson, d’une voix entrecoupée de spasmes.

Wagah n’inventait rien et ne plaisantait pas. Le citron figure dans la série des remèdes imaginés par les spécialistes contre le mal de mer.

Par malheur, celui-ci ne fut pas plus efficace que les autres ! M. Patterson, plus jaune que le fruit de cette famille des arrantiacées, eut beau le tenir dans sa main, le presser de ses cinq doigts à en faire jaillir le jus, il n’éprouva aucun soulagement, et son cœur continua d’osciller dans sa poitrine.

Après cette dernière tentative, M. Patterson essaya de lunettes dont les verres furent teintés de rouge avec une couche de vermillon. Cela ne réussit pas davantage, et il semblait que la pharmacie du bord fût épuisée. Tant que M. Patterson aurait la force d’être malade, il le serait, sans doute, et il n’y avait plus rien à attendre que de la seule nature.

Cependant, après le steward, Cortv vint encore proposer un suprême remède à son tour :

« Avez-vous du courage, monsieur Patterson ? » demanda-t-il.

D’un signe de tête, M. Patterson répondit qu’il n’en savait rien.

« De quoi s’agit-il ?… s’informa Louis Clodion, qui se défiait de cette thérapeutique marine.

— Tout simplement d’avaler un verre d’eau de mer… répondit Corty. Cela produit souvent des effets… extraordinaires

— Voulez-vous essayer, monsieur Patterson ? … reprit Hubert Perkins.

— Tout ce qu’on voudra ! gémit l’infortuné.

— Bon, fit Tony Renault, ce n’est pas la mer à boire…

— Non… un verre seulement », déclara Corty, qui envoya une baille par-dessus le bord et la rehissa pleine d’une eau dont la limpidité ne laissait rien à désirer.

M. Patterson, — et il faut convenir qu’il y