Page:Hetzel - Verne - Magasin d’Éducation et de Récréation, 1903, tomes 17 et 18.djvu/510

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Suivaient quelques mots affectueux pour chacun.

« L’intention de Pompon était bonne, après tout, fit Claire, qui riait follement. On ne peut pas demander de la raison à des enfants de cinq ans. Ce n’est pas si maladroit d’avoir insinué au général « qu’il était dézà beau ». Fallait-il que ce fut vrai ! pour que Pompon eût songé à le dire. »

Sur les instances de sa grand’mère, Hervé acheva de lire son courrier.

« Eh bien, cela n’a pas tardé, s’écria-t-il, après avoir décacheté la lettre de Yucca ; mes fils sont chez les Murcy. J’aurais mieux fait de les leur confier tout de suite, comme à l’ordinaire. Brigitte me les a demandés pour la première fois, j’ai craint de la peiner en refusant…

— Elle n’y reviendra pas, tenez vous en pour assuré, repartit Claire. Ils sont mieux à leur place auprès de Thérèse et de Mad, accoutumées à surveiller des enfants. Vous voilà tranquille, mon cousin. »

Si Hervé avait l’esprit en repos, il n’y paraissait pas sur sa physionomie plutôt préoccupée.

Il sortit, disant :

« Je vais faire un tour chez moi : nous ne poserons pas aujourd’hui, grand’mère. »

Lorsque le baron de Kosen revint, un peu avant l’heure du dîner, toute trace de souci avait disparu.

La soirée et les jours qui suivirent s’écoulèrent paisibles.

Le temps était froid, mais sec ; aux heures de soleil, la marche était agréable. Durant la sieste de grand’mère, les deux cousins se rendaient parfois à pied au village. Ou bien, l’aïeule réveillée, on attelait le traîneau, construit sur les indications d’Hervé, assez étroit pour pouvoir passer à peu près partout ; on enveloppait grand’mère de sa pelisse, on l’emmitouflait sous une épaisse voilette, on glissait ses pieds dans une chancelière bien chauffée, et on lui faisait faire un ou deux kilomètres à travers les allées du parc.

À son retour, le sang circulait mieux, elle avait du rose aux joues, elle causait avec plus de vivacité, si heureuse, elle dont l’âme était soudée à ses montagnes, d’avoir revu les beaux paysages d’hiver dont sa difficulté à marcher la privait depuis quelques années.

La veille de Noël, un petit débat s’éleva entre elle et de Kosen.

Grand’mère voulait qu’il occupât tout seul le banc seigneurial à l’église, tandis qu’elle et Claire iraient à leurs places accoutumées.

Et de Kosen de répondre :

« Nous occuperons les places qu’il te plaira ; mais, où Claire et toi vous serez, j’irai. Votre avis, ma cousine ?

— Mon avis, c’est que vous veniez avec nous, puisque vous êtes notre hôte. »

Ainsi fut fait, au grand étonnement des habitants d’Arlempdes.

Mal, ou pas instruits encore de la parenté des Andelot avec les de Kosen, ils tirèrent, de la réunion des deux familles à l’office, les conclusions les plus inattendues.

Quelques mots en parvinrent à Claire, initiée au patois du pays par ses anciennes amies les chevrières.

Elle devint toute rose, puis, aussitôt, pâlit, et ses yeux pareils à deux fleurs se voilèrent, un instant embrumés…

Un instant seulement… Elle souriait déjà, lorsque Hervé lui offrit la main pour la mettre en traîneau.

Gai entre tous, ce jour de Noël. Les deux cousins s’étaient ingéniés à orner la table, la maison entière, avec du houx découvert sous la neige, proche du château.

Hervé, qui avait une voix superbe, chanta de vieux airs du pays, des noëls naïfs, accompagné au piano par sa cousine.

Grand’mère écoutait extasiée.

P. Perrault.

(La suite prochainement.)