Page:Hetzel - Verne - Magasin d’Éducation et de Récréation, 1903, tomes 17 et 18.djvu/573

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

leurs. Vous serez tous les deux une nouveauté à Gray-Tors.

— Ce doit être bien triste de demeurer ainsi tout seul. Mon oncle n’a-t-il aucun parent ?

— Oh ! M. Grimshaw a son neveu propre qui sera son héritier. Ce neveu ne va chez son oncle qu’au moment de la chasse, et alors ils ne se voient guère. Mais, n’ayez pas peur de mon client, mon enfant ; je suis sûr que vous vous entendrez très bien. Au cas contraire, vous aurez toujours la ressource de votre vieil ami. »

Jock adressa à son interlocuteur un sourire reconnaissant et répondit :

« Je suis content que vous habitiez près de Gray-Tors ; il m’est si doux de savoir que je possède un ami.

— À la bonne heure ! mon enfant. Si vous me promettez d’être raisonnable et de ne pas commettre d’imprudence pendant que je demeure responsable de vous, vous pouvez compter sur une récompense. Nous sommes obligés d’attendre quelques heures à Londres ; réglez vous-même l’emploi de notre temps. Voulez-vous visiter le Jardin des Plantes ?… le Musée de Mme Tussaud ?… l’Aquarium ?… »

Le visage du vieux monsieur rayonnait de plaisir à la pensée de l’amusement qu’il allait procurer à son protégé.

« Oh, merci beaucoup ! s’écria Jock ; vous êtes trop bon. Ce que je désire le plus voir à Londres, c’est Tower-Bridge (Pont de la Tour). »

La figure de M. Harrison exprima le désappointement.

« Vraiment !… Quelle drôle d’idée !… Mais c’est entendu, si vous le désirez, rien ne nous empêchera de réaliser votre souhait.

— C’est cela ; nous descendrons dans un bateau pour aller examiner le dessous. Je sais, d’après les livres que j’ai lus, tout ce que ce pont offre de remarquable. Si le bateau ne vous tente pas, vous pourrez nous attendre. Tramp et moi irons seuls. C’est un pont magnifique. Il fut bâti… »

Mais M. Harrison l’interrompit :

« Inutile de continuer ; ces questions ne m’intéressent nullement. Laissez-moi lire mon journal… Vous êtes vraiment un enfant curieux pour votre âge », ajouta-t-il d’un air de réflexion.

Jock se retira dans son coin, un peu déconcerté.

« Je me demande pourquoi tout le monde me trouve étrange quand je me mets à parler des choses qui m’intéressent », pensa-t-il.

À Londres, M. Harrison tint sa promesse. Tout d’abord, ils allèrent dîner à l’hôtel, où Tramp se régala comme il ne l’avait jamais fait de sa vie. Puis, M. Harrison se fit conduire à Tower-Bridge dans un cab, sorte de voiture qu’il n’aimait guère. Il était d’une humeur charmante : par mégarde, Jock lui avait marché sur les pieds, qu’il avait très sensibles ; il n’avait fait aucune remontrance à l’enfant ; pas plus qu’il ne s’était plaint de Tramp qui lui avait planté ses pattes sales sur son gilet.