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En face de l’entrée, à l’extrémité du vestibule, une porte vitrée s’ouvrait sur un perron qui conduisait au jardin. Jock se trouva sur une pelouse très soignée, coupée çà et là de parterres ornés de fleurs printanières telles qu’il en fleurit dans ces régions de montagnes.

Le jardin était d’une régularité, d’une propreté qui ne promettaient guère d’amusement ; ainsi du moins pensait Jock en foulant aux pieds le gazon et se dirigeant vers un banc.

Soudain il s’arrêta court. Derrière ce banc lui apparaissait une petite fille vêtue d’un manteau rouge. Sa figure, encadrée d’une chevelure noire et couverte de taches de rousseur, s’illuminait d’un sourire jovial.

« Comment allez-vous, mon petit ami ? Êtes-vous venu pour jouer avec moi ? » demanda-t-elle à Jock en lui tendant la main sans la moindre timidité.

Mais lui, toujours déconcerté par les petites filles, se troubla à cette subite rencontre.

« Je ne savais pas que vous fussiez ici, dit-il en se retournant brusquement et avec gaucherie. Si je m’en étais douté, je ne serais pas venu : je n’aime pas les petites filles.

— Moi non plus, s’écria-t-elle de bon cœur, et sans paraître offensée. Je me trouve très malheureuse d’être une petite fille ; mais grand-père dit qu’on ne peut rien y faire. Aussi je dois en prendre mon parti. Ce n’est pas ma faute ; vous pouvez donc jouer avec moi. »

Sa petite figure suppliait si gentiment que Jock commença à s’attendrir.

« Comment vous appelez-vous ? demanda-t-il. Demeurez-vous ici ? Je ne savais pas que M. Harrison eût des enfants.

— Je suis sa petite-fille. Je m’appelle Molly. Oh ! je devine qui vous êtes ! Probablement le petit garçon que grand-père est allé chercher pour le conduire à Gray-Tors. Vous plaisez-vous ici ? Avez-vous peur de ce vieux monsieur ?

— Non, il est très aimable pour moi, ainsi que l’a été M. Harrison. Votre grand-père vous a-t-il parlé de ma sœur Doris ? Vous paraissez être du même âge qu’elle », dit Jock, enchanté d’avoir trouvé un sujet qu’il supposait devoir plaire à sa compagne.

Mais Molly hocha seulement la tête.

« Il m’importe peu d’entendre parler des filles ; je crois que vous êtes beaucoup plus intéressant. Asseyez-vous. Voici un banc tout près de ce lieu inconnu. » Et du doigt elle désignait le massif d’arbrisseaux qui bordait la pelouse.

« Que savez-vous sur les pays inconnus ? demanda Jock.

— Pas grand’ehose encore, mais je m’en instruirai ; quand je serai grande, je voyagerai. Nourrice m’a dit que je ne serais jamais une beauté ; je n’irai pas, comme les sottes, chercher des succès dans les bals et les soirées. D’ailleurs j’aime les gens qui agissent ; la parole et la pensée ne me suffisent pas. »

L’occasion était favorable. Sans y penser, Jock fut bientôt lancé dans le récit de ses am-