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et que je ne serai pas du tout grondée. »

Jock la regarda d’abord consterné, mais le spectacle était si drôle qu’il éclata de rire.

« Eh bien ! vous êtes une petite fille bien déterminée. Levez-vous maintenant ; je vous promets de demander l’autorisation de vous emmener sur les landes. »

Molly sortit vite de l’eau, et, traversant le massif d’arbrisseaux, arriva sur la pelouse. Là, les enfants se trouvèrent en face de M. Harrison.

« Ah, vous voilà ! s’écria-t-il, s’adressant à Jock ; votre oncle ne pouvait rester plus longtemps, il est parti. Il vous laisse ici pour prendre le thé… Oh ! Molly ! d’où sors-tu pour être ainsi faite ? s’écria-t-il en apercevant les vêtements trempés de la petite fille.

— Je me suis assise dans le ruisseau, grand-père.

— Quelle folie ! cours tout de suite te changer. »

Lançant un regard de triomphe à l’adresse de Jock, Molly disparut dans la maison, laissant le petit garçon seul avec son vieil ami.


V

Le visiteur de M. Grimshaw.


Après cette première visite, Jock revint souvent chez le notaire. Il arrivait généralement le matin chercher Molly pour se promener avec lui. Le grand-père hésita d’abord à laisser sa petite-fille sous la garde de ce garçonnet, mais il vit bientôt qu’il n’y avait aucune crainte à avoir.

Jock, en effet, était un sage protecteur pour sa petite compagne ; il semblait si raisonnable, si attentif, que M. Harrison se sentait parfaitement tranquille après la lui avoir confiée. Molly revenait de ses longues courses, les souliers crottés, les vêtements en désordre ; mais sa figure exprimait tant de bonheur, de santé, que les reproches expiraient sur les lèvres.

Malgré les gâteries du grand-père, l’isolement de Molly avait jusque-là été un peu pénible pour celle-ci ; le plaisir qu’elle trouvait dans la compagnie de Jock, l’orgueil que lui inspiraient ses confidences ne sauraient s’exprimer.

Quant à Jock, il jouissait du bonheur d’avoir une compagne infatigable, d’une humeur toujours sereine, entrant dans ses desseins avec un intérêt égal à celui qu’il éprouvait lui-même ; qui écoutait ses projets d’avenir avec sympathie et la conviction que la gloire les couronnerait un jour.

Tramp avait pris cette nouvelle amie sous sa protection et l’accablait de ses caresses. Tous les trois faisaient ensemble des excursions sur les landes ; ou bien, Molly s’intéressait à un travail que son compagnon achevait en secret dans l’intention de ménager une surprise à son oncle.

Peu à peu la confiance de Jock s’accentua : il parla de sa vie heureuse avant la mort de son père, du collège où il avait vécu, des amis qu’il s’y était faits ; comment Doris et sa mère lui avaient été confiées, et combien pesait sur lui le sentiment de la responsabilité, puisqu’il avait à peine laissé paraître le chagrin de la perte de son père, de peur d’ajouter à leur douleur.

Ensuite, ce furent des confidences sur leur pauvreté, sur la petite ferme que leur mère détestait tant, sur les humbles vêtements de la jolie Doris ; sur l’école où les élèves étaient si différents des anciens camarades. Et, le plus triste de tout, ajoutait Jock, c’est que sa mère ne semblait pas comprendre ses bons désirs ; elle le regardait comme un enfant insouciant, désobéissant, et concentrait toute son affection sur sa petite sœur, plus attrayante que lui.

Jock ne se plaignait pas, il ne parlait des siens qu’en termes affectueux, mais Molly tirait judicieusement des conséquences de