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bien de temps s’écoulerait avant qu’il revînt.

Le même soir, dans la maison du vieux notaire, une petite fille, aux yeux rougis par les larmes, descendit, comme d’habitude, partager le dessert de son grand-père. Traînant une chaise près de lui, elle mit sa figure toute ronde entre ses mains, et le regarda d’un air suppliant.

« Grand-père chéri, dit-elle, je veux que vous me promettiez quelque chose. Vous n’appellerez plus jamais Jock un enfant étrange ou bizarre : cela lui fait trop de peine.

— Ma chérie, je n’avais jamais pensé qu’il en fût attristé ! s’écria le vieux monsieur. Je le trouve vraiment étrange. Cependant j’essayerai de ne plus le lui dire à l’avenir ; et, comme il retourne chez lui demain, je ne le verrai pas de si tôt.

— Est-ce que sa mère lui ressemble ? Doris est-elle très jolie ? s’informa Molly.

— Oh ! sa mère est charmante ! Tu l’aimerais en la voyant. Doris est un amour d’enfant ! … Voudrais-tu que je l’invite à venir passer quelque temps ici ? Tu vas te trouver seule maintenant que ton compagnon est parti ?

— Non, merci, grand-père ; elle ne remplacerait jamais Jock, car ce n’est qu’une petite fille ; je n’aimerai jamais sa mère ; cela je le sais bien. Je voudrais cependant la voir une fois. Si l’occasion se présentait, je lui raconterais une foule de choses concernant son fils ; je lui dirais ce que je pense d’elle-même. Elle n’apprécie pas Jock à la moitié de sa valeur », ajouta-t-elle d’un ton décidé.


VII

De retour à la maison.


Au matin, Jock quitta Gray-Tors. Son voyage fut loin d’être aussi agréable que celui qu’il avait fait, quelques semaines auparavant, dans l’aimable compagnie de son vieil ami M. Harrison.

À Londres, l’attendait une ancienne servante de sa mère, qui devait l’accompagner jusqu’à l’autre gare et le réembarquer.

Il avait beaucoup de chagrin d’avoir quitté son oncle ; dès la veille au soir, il lui avait fait ses adieux, parce que son départ devait, le lendemain, précéder l’heure où M. Grimshaw avait l’habitude de descendre. Cependant, au moment de monter en voiture, il fut pris d’un ardent désir d’embrasser son parent et de le remercier, une fois encore, de toutes ses bontés, de lui redire quel souvenir il emportait de Gray-Tors. En outre, il craignait de ne plus jamais revoir M. Grimshaw. Hanté par cette pensée, il se précipita dans les escaliers, sans réfléchir à ce qu’il allait dire.

Il frappa à la porie du vieillard qu’il trouva enveloppé dans sa robe de chambre et occupé à lire tout en fumant.

Celui-ci paraissait si vieux et si faible, que Jock, oubliant sa réserve habituelle, traversa la chambre en courant, puis, se jetant à son cou, lui donna un affectueux baiser.