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marche jusqu’à la ville rendue plus pénible par le poids de Tramp et la crainte d’être atteint par Bagshaw, tout cela lui semblait plutôt un cauchemar qu’une réalité.

Il avait le souvenir confus d’être entré en chancelant chez le vieux notaire, d’avoir eu la vision de Molly enveloppée dans une robe de chambre, puis le reste s’effaçait.

Il ne se rappelait que vaguement qu’on l’avait porté dans son lit, qu’un médecin lui avait tâté le pouls et le front, et qu’on l’avait forcé à boire quand il ne demandait qu’à rester tranquille. Il n’ouvrit vraiment les yeux et ne se rendit compte de ce qui se passait autour de lui que très tard dans l’après-midi.

Encore un peu appesanti, il promena ses yeux étonnés autour de la chambre. Il ne reconnaissait rien autour de lui, et ne savait où il était.

Ses regards se portèrent ensuite vers la fenêtre ; il y aperçut une forme un peu indécise, qui néanmoins lui semblait très familière ; Mme Pole seule possédait une chevelure aussi soyeuse et aussi blonde. Jock se frotta les yeux pour s’assurer qu’il ne rêvait pas.

« Maman, prononça-t-il, est-ce bien vous ? »

Mme Pole, c’était bien elle, se leva, et, s’approchant du lit, posa sa main sur le front de l’enfant.

« Oui, c’est moi, dit-elle. Je suis ici depuis longtemps et je commençais à croire que tu ne te réveillerais jamais. Comment te sens tu maintenant ?

— J’ai la tête dans un état étrange. Oh, maman ! tout n’est-il pas un rêve ? Ai-je réellement le papier ? M. Harrison dit-il qu’il y a du charbon à Beggarmoor ?

— Oui, c’est bien vrai, mon chéri. Mais je ne veux pas que tu parles avant d’avoir pris un peu de bouillon. Il y a des heures que je le tiens chaud, reprit la mère.

— J’ai tant de choses à demander », dit Jock avec un soupir.

Puis, comme Mme Pole lui présentait une tasse, il leva les veux vers elle d’un air de supplication :

« Vous n’êtes pas fâchée contre moi, n’est-ce pas, maman ? Je n’ai pu m’empêcher de m’échapper ; je voulais découvrir le secret de Beggarmoor pour votre bonheur et celui de Doris.

— Mon chéri, je ne suis pas fâchée ; mais je ne veux pas que tu parles avant que tu aies repris des forces. »

Jock se mit docilement à boire le bouillon. Tout à coup il s’interrompit et redressa la tête. Une expression d’inquiétude douloureuse avait envahi son pâle visage.

« Tramp, dit-il en hésitant, Tramp est-il mort ? »

Mme Pole, se penchant vers son fils, déposa un baiser sur son front ; les larmes voilaient son regard.

« Tramp a été blessé ; il a une patte cassée, mais il ne mourra pas. Molly le soigne parfaitement. Cher petit ! Tu croyais avoir perdu ton ami. »

Jock inclina la tête en signe d’assentiment.

« Oui, je le croyais mort, et je m’en faisais des reproches. Il a réussi à arracher le papier au méchant fermier ; c’est donc par son secours que je pourrai plus facilement réaliser la promesse que j’ai faite à mon père. C’est un excellent chien ; vous-même l’aimeriez si vous le connaissiez mieux, ajouta-t-il timidement, se rappelant soudain le peu de sympathie que sa mère éprouvait pour son compagnon.

— J’en suis convaincue. Mais je m’aperçois, Jock, que je ne vous connaissais ni l’un ni l’autre… Jamais tu ne m’as dit que tu avais fait une promesse à ton père.

— C’était inutile, l’action vaut mieux que la parole. D’ailleurs, maman, malgré ma bonne volonté, je trouve toujours moyen de faire quelque sottise au lieu de vous rendre service. Ainsi hier… Non… quand était-ce ? le jour où j’ai quitté la maison, je crois avoir