Page:Hetzel - Verne - Magasin d’Éducation et de Récréation, 1903, tomes 17 et 18.djvu/759

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

cassé une assiette en cherchant à tâtons quelque chose à me mettre sous la dent, et l’enfant leva vers sa mère ses yeux remplis de larmes.

— J’ai peur, dit Mme  Pole, que nous ne nous soyons pas compris l’un l’autre. Tout ira mieux à l’avenir. Tu me confieras tes projets et tes peines ; ma confiance répondra à la tienne, et je ne te considérerai plus comme un enfant insouciant. »

Jock rougit d’orgueil et de plaisir.

« Merci, ma chère maman, dit-il. J’avais toujours peur de vous causer quelque chagrin.

— Est-ce pour ce motif que tu ne m’as pas parlé de l’offre de M. Grimshaw !

— Je voulais que vous l’ignoriez toujours ; qui vous l’a apprise ? s’écria Jock contrarié.

— C’est ton amie Molly. Il ne faut pas lui en vouloir, Jock : elle avait besoin de me dire et de me prouver que je t’avais mal jugé jusqu’à présent.

— J’espère qu’elle n’a pas été malhonnête ! Elle en serait capable dans son affection pour moi.

— Oh non ! elle n’a rien dit de regrettable ; elle m’a laissé simplement entendre ce qu’elle pense de moi. Je trouve qu’il est bon de se voir par les yeux d’autrui, serait-ce même par ceux d’une enfant, répliqua Mme Pole avec un sourire attristé.

— Je suis heureux que vous ne soyez pas fâchée contre elle ; c’est vraiment une si charmante enfant !

— Jamais je n’ai vu figure si joufflue, si couverte de taches de rousseur, s’écria Mme Pole en riant. Comme pour Tramp, je crois que chez elle le cœur rachète la mine. »

Puis, soudain, son visage devint grave.

« Oh ! Jock, je ne puis penser sans frémir aux dangers que tu as courus cette nuit ! S’il t’était arrivé quelque malheur, j’en aurais ressenti un éternel remords. J’ai bien à remercier le ciel qui t’a protégé. Mais nous ne savons absolument rien de tes dernières aventures. Molly, j’en suis sûre, brûle du désir d’en entendre le récit. Repose-toi pendant que je vais préparer le thé, et nous viendrons toutes deux t’écouter. »

Une fois seul, Jock resta tranquille, perdu dans un doux rêve.

Tout s’arrangeait à merveille, trop bien même pour que ce fût vrai. Non seulement le secret de Beggarmoor était découvert, mais sa mère, loin d’être mécontente comme elle l’était si souvent dans le passé, semblait avoir compris son désir de l’aider et de la protéger.

Bientôt, Mme Pole revint, accompagnée de Molly. Elles portaient un panier où reposait Tramp sur des coussins.

« Il s’ennuyait sans toi, Jock, dit la mère, aussi avons-nous trouvé qu’il valait mieux l’amener ; il verra que tu es près de lui. »

Quand Jock eut fait le récit de ses aventures et du rôle joué par le chien, Tramp reçut caresses sur caresses, de quoi tourner la tête à un animal moins intelligent.

« Beggarmoor sera vendu quand même, s’écria bientôt Molly ; j’ai entendu grand-père dire que quelqu’un exploiterait le charbon et vous payerait un certain revenu.

« Que veut-elle dire, maman ? demanda Jock étonné.

— Mon enfant, M. Harrison a pris beaucoup de peine pour me le faire comprendre, et pourtant il me sera difficile de te le bien expliquer. Il faut beaucoup d’argent pour exploiter une mine, l’outillage exige une grosse dépense. La lande sera donc remise entre les mains de tierces personnes qui, d’après le revenu, te payeront une rente comme au propriétaire.

— Oh oui ! je comprends très bien. Je suppose que les indications de l’étranger faciliteront les travaux.

— Sur le papier, reprit Molly, on a trouvé le nom et l’adresse de l’ingénieur qui est allé à Gray-Tors. Grand-père a écrit pour que cet