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VICTOR FAVET

l’objet… pardon… Voilà ce qui vous appartient. Je viens de trouver ce porte-monnaie par terre, et je cherchais un agent pour le lui remettre.

— Vraiment, tu cherchais un agent, fit le monsieur — qui n’avait rien perdu du tout, mais qui croyait rendre un simple service à la société en dénonçant un coupable. — Eh bien ! moi aussi j’en cherche un… seulement c’est pour te déposer entre ses mains, petit gredin… jeune gibier de potence ! »

Désespéré, Jean fondit en larmes devant ce qu’il considérait comme la punition de sa légèreté criminelle.

« Pardon, monsieur, pardon ! répéta-t-il. J’ai eu tort de ne pas rendre la bourse sans retard, mais j’ai commencé par être si content, à cause de maman », expliqua-t-il ingénu.

Et le petit joignait les mains vers son persécuteur involontaire, qui, tout en le guettant du coin de l’œil, examinait le total des louis d’or.

« Peste ! tu as fait un joli coup. Tu n’es pas maladroit pour ton âge. »

Sans comprendre l’ironie, Jean répétait :

« Pardon… pardon », d’une pauvre voix, lamentable et brisée.

« Assez de discours, conclut le monsieur. Tout ça, c’est très gentil ; mais tu raconteras ton histoire au poste. »

Ce disant, il appela d’un signe un sergent de ville qui passait non loin.

« Tenez, mon brave, voilà un bonhomme que je vous recommande. Il promet pour son âge. »

Éperdu, Jean sentit la terre vaciller sous ses pieds.

« Oui, continua le monsieur, le petit malheureux a volé cette bourse, je ne sais où, par exemple. Je l’ai surpris au moment où il la soupesait dans ses mains, se demandant quel parti il allait pouvoir tirer de son larcin. À mes questions, il s’est troublé ; maintenant il demande grâce en prétendant qu’il s’agit d’une trouvaille et non d’un vol. Tenez, le voilà qui pleure. Ah ! ces gamins, sont-ils assez comédiens ! »

L’agent saisit Jean par l’oreille, sans écouter ses protestations désolées.

« Au poste, galopin », prononça-t-il, convaincu à priori de la culpabilité de celui qu’il confondait avec un vagabond sans aveu.

Le monsieur avait remis la bourse au représentant de la loi. Il lui avait également donné sa carte de visite pour le cas où l’on aurait besoin de son témoignage ; puis, avec la satisfaction du devoir accompli, il s’en était allé, très digne, à ses affaires.

Le poste de police était proche, grâce à Dieu. Ce court trajet représenta néanmoins, pour le malheureux Jean, une éternité d’humiliations.

Suffoqué de honte, il se vit traîné ainsi qu’un malfaiteur, en butte aux sarcasmes d’une bande de désœuvrés, comme il en survient toujours autour des incidents de la rue.

Tant que dura le chemin, il n’eut pas la force d’articuler un mot.

Arrivé à destination et délivré des curiosités malignes, il essaya d’implorer l’agent et de lui raconter son aventure et la fatale méprise dont il était victime.

Mais celui-ci, blasé sur ce genre d’événement, lui coupa la parole d’un brusque : « Assez de jérémiades, tu t’expliqueras devant monsieur le commissaire ! »

Quelques instants plus tard, tous deux étaient introduits dans un bureau enfumé.

Derrière une grande table couverte de papiers et de registres, siégeait un vieillard, blanc de cheveux et de barbe, dont l’aspect paternel réchauffa quelque peu le cœur transi de Jean.

Sur l’ordre qui lui en fut donné, le gardien de la paix raconta ce que l’accusateur du marchand de violettes lui avait dit du soi-disant larcin commis par le précoce dévaliseur.

Lorsque celui-ci entendit ce récit et com-