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LA BELLE VIOLETTE!

Ce disant, il lui offrit la bourse.

« C’est trop naturel, monsieur, et je n’ai pas eu un instant la pensée de m’en formaliser.

— Et maintenant, interrogea la comtesse de Reuilly, je voudrais bien savoir à qui je suis redevable du grand plaisir de revoir mon bijou ? »

Le commissaire fit signe à Jean d’avancer.

« Eh bien, mon garçon, lui dit-il, c’est à toi de répondre. Te voilà tiré d’affaire par la plus rare des coïncidences. J’en suis heureux, puisqu’on effet tu n’es pas un menteur ni un précoce vaurien. »

Très intéressée, la jolie dame regardait Jean s’approcher timidement, mais les yeux dilatés de joie à l’idée que son innocence était enfin reconnue.

« C’est toi, mon petit, qui as trouvé ma bourse ? demanda-t-elle doucement.

— Oui, madame…

— … Et l’on peut dire que ce hasard lui a coûté bien des larmes… » interrompit le commissaire de police.

Au fond, celui-ci était un excellent homme. Ému par l’histoire de Jean, maintenant qu’il la savait véridique, il désirait intéresser madame de Reuilly au sort de l’enfant.

Aussi, en quelques mots, expliqua-t-il quels soupçons avaient pesé sur celui-ci, grâce à l’erreur d’un passant trompé par l’attitude embarrassée du garçonnet.

« Avouez, madame, qu’il y avait de quoi lui faire regretter amèrement sa bonne volonté !… acheva le commissaire, en guise de conclusion. S’il s’était enfui d’un trait chez lui avec sa trouvaille, personne n’aurait songé à l’inquiéter.

— Oui… mais j’aurais été un voleur !… »

déclara Jean avec une vivacité qui frappa Mme  de Reuilly.

Très remuée par toute cette histoire, elle fit causer Jean et lui demanda le détail minutieux de l’aventure. Enhardi par la bienveillance de son interlocutrice, celui-ci sentit sa timidité se dissiper. Clairement, avec intelligence et netteté, il sut faire le tableau saisissant de sa joie initiale, du mouvement spontané qui le poussait déjà chez lui et de l’avertissement intérieur qui lui avait soudain montré le droit chemin.

Tout cela, certes, fut conté en termes simples et même naïfs, mais la véracité candide du petit conteur distillait l’éloquence de la droiture et séduisit immédiatement Mme  de Reuilly.

Lorsqu’il eut achevé le récit de ses affres, une fois aux prises avec le terrible soupçon dont il ne pouvait se libérer, la grande dame essuyait une larme au coin de sa paupière…

« Pauvre mignon ! s’écria-t-elle, pleine de compassion pour ce grand chagrin dont elle avait été l’involontaire occasion, va, je saurai bien te dédommager… »

Avec la plus délicate bonté, elle s’enquit de la mère de Jean, de ses petits frères, et comprit aussitôt quelle infortune attendait sa générosité.

« C’est moi qui vais ramener cet enfant chez lui », déclara-t-elle en se levant.

Et, après avoir pris congé du commissaire, elle sortit, emmenant Jean, qui n’en pouvait croire ses yeux. Un équipage attelé de deux trotteurs orloff attendait la comtesse, et c’est dans un somptueux coupé armorié que Jean, petit marchand de violettes, regagna la rue Croix-Nivert.

Ce que furent l’entrée dans la mansarde et la générosité de Mme  de Reuilly, l’imagination de nos lecteurs le devine peut-être. Il suffira de dire que, non contente de verser dans les mains tremblantes du garçonnet le contenu de la bourse retrouvée, la jolie dame, après avoir constaté la misère navrante qui l’entourait, s’attacha définitivement à ses protégés nouveaux.

Elle devint la persévérante bienfaitrice de la pauvre famille et lui procura les moyens de vivre d’un travail assuré, à l’abri du besoin.

À l’heure actuelle, la mère de Jean, bien