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ANNÉE 1866

Le 15 août, spectacle gratuit annuel, composé du Dépit amoureux, des Plaideurs et de la tragédie des Horaces[1]. Entre les deux grandes pièces, Mlle Favart déclame des stances nouvelles que M. de Banville vient de composer en l’honneur de l’anniversaire impérial sous le titre de la Fête de la France.

18 Août. — Première représentation de Fantasio, comédie en un acte d’Alfred de Musset.

De toutes les pièces d’Alfred de Musset, Fantasio est la dernière qu’on aurait dû tenter de transporter du livre à la scène. Ce brillant désespéré, qui semble être d’ailleurs l’incarnation même du poète[2], n’a rien d’intéressant ni de


    Carotte, à la Gaîté. Enfin, au mois de novembre 1873, M. Masset a débuté à l’Odéon où il a eu quelques heureuses créations.

  1. M. Masset y joue le rôle de Tulle pour son deuxième rôle de début.
  2. « J’avoue qu’en voyant entrer en scène Delaunay sous sa longue chevelure blonde et sous son costume d’étudiant bavarois, au premier acte de Fantasio j’avoue qu’à ces premières phrases de poésie capricieuse, à ces premières boutades humoristiques lancées par lui, j’ai ressenti une des plus poignantes émotions de ma vie. Il m’a semblé voir revivre l’auteur lui-même, — Alfred, — comme je l’appelais, et les souvenirs de notre jeunesse à tous deux, ces papillons de la nuit du temps, sont venus à l’instant, en foule, tourbillonner autour des lanternes colorées de ce Munich fantastique. Delaunay, c’était la tournure élégante de l’adolescent, ses boucles dorées sur son front de même que les paroles qu’il nous faisait écouter, étaient l’âme du poète. « Je m’attendais presque à le voir s’adresser à moi, au balcon, à l’entendre me dire cette phrase que je retrouve, tracée par une main de quinze ans, sur une vieille feuille aujourd’hui jaunie : « Je t’écris donc pour te faire part de mes dégoûts et de mes ennuis ; tu es le seul lien qui me rattache à quelque chose de remuant et de pensant ; tu es la seule chose qui me réveille de mon néant et qui me reporte vers un idéal que j’ai oublié par impuissance. — Je n’ai plus le courage de rien penser. » (Paul Foucher) ; « Ce personnage de Fantasio, Alfred de Musset n’a pas eu besoin de le chercher dans ses souvenirs, de le composer de pièces et de morceaux ; il s’est pris lui-même et s’est en quelque sorte répandu tout entier dans son