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LA COMÉDIE-FRANÇAISE.

dramatique. Railleur dégoûté du monde, des autres et de lui-même, il n’aime ni n’admire plus rien et tourne en dérision tout ce qui est grand, noble et beau ; il est même un fort désagréable personnage, bien qu’en jouant un rôle de bouffon, il soit parvenu à délivrer, comme dans un conte bleu, la belle princesse de Bavière des obsessions d’un poursuivant importun. Quels que soient les coupures, remaniements et même nouveau dénoûment qu’on ait imposés à la pièce, elle a été seulement écoutée avec respect, et après trente-deux représentations, ce singulier caprice de poète est retourné au volume où il tient beaucoup mieux sa place.

L’interprétation de la pièce en a été le principal succès : Delaunay, si varié dans le rôle compliqué et multiple de Fantasio ; Coquelin, d’une verve si grotesque et d’une originalité si fantasque dans le prince de Mantoue ; et enfin Mlle  Favart, poétique, rêveuse, étrange même dans ce personnage si vaguement dessiné d’Elsbeth, pour lequel Alfred de Musset lui-même l’eût certainement choisie[1].


    drame. Il n’a pas voulu, de dessein prémédité, se peindre et laisser un portrait de lui. Ce n’est pas une œuvre d’artiste qu’il a faite. Il a, pour ainsi dire, ouvert son cœur, et l’a laissé couler. « Et c’est pour cela que nous l’aimons tant, ce cher poète ! C’est que dans tous ses livres, poésies, drames ou contes, il s’est donné, lui, son âme et sa vie, avec une sorte de fièvre, de délire. C’est là, sans doute une marque de faiblesse ; les vrais artistes, les grands, se tiennent à cistance de leur œuvre, et, le moment venu, ils coupent le lien et la laissent aller dans le monde. Alfred de Musset s’est plongé à corps perdu dans la sienne. Elle est sa chair et son sang. C’est lui-même que nous dévorons en lisant ses livres. » (Fr. Sarcey.)

  1. Les autres rôles sont joués par MM. Chéry (le roi), Garraud (Marinoni), Sénéchal (Sparck), Seveste (Hartman), Prudhon (Facio), Masset (Rutten) ; Mmes  Jouassain (la gouvernante), Lloyd et Barretta (deux pages), tous rôles, en somme, de peu d’étendue et simplement épisodiques. La recette est de 1,391 francs. — Fantasio avait d’abord été publié dans la Revue des Deux-Mondes (1er  janvier 1834).