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sans être religieux ; et au régulier, déjà pourvu d’un bénéfice en titre et qu’il était capable d’occuper, on en conféra un autre en commende. Par ces subterfuges, les titulaires de tel ou tel bénéfice perçurent les revenus de deux ou trois abbayes, en qualité d’administrateurs ou abbés commendataires, prétendant s’assimiler ainsi aux évêques des premiers siècles, qui, chaque fois qu’un siège voisin devenait vacant, s’en constituaient les tuteurs, sans l’égide de la religion et de la justice.

Outre le changement de destination des revenus qui passaient dans la main de personnes étrangères, au lieu de servir à l’entretien de la communauté, aux aumônes, aux réparations et reconstructions des bâtiments si étendus dans les grandes abbayes, la commende entraîna une autre conséquence non moins grave.

Au-dessous de l’abbé commendataire, se trouvait le prieur conventuel, lui, vrai moine, ne possédant de bénéfice ni en titre ni en commende, résidant dans son monastère qu’il gouvernait en réalité, « suant sous le joug du Seigneur et travaillant sans cesse à la consommation des saints[1]. »

Mais, vis-à-vis de l’abbé commendataire, quels étaient ses droits et ses prérogatives sur la communauté ? Quelles étaient les limites réciproques de leur autorité ?

Le Souverain Pontife seul, pouvant déroger aux canons de l’Église, avait seul autorité pour conférer un monastère

  1. Le Maistre, Plaidoyers, p. 128.
    Parlant des commendataires, il s’écrie : Ces oiseaux du désert veulent passer pour les colonnes du temple. Ils ne veulent pas paître le troupeau, et veulent se nourrir de sa chair et se couvrir de sa laine. Ils ne font rien, et toutefois ils veulent s’élever au dessus des plus nobles enfants de Sion, qui suent le joug du Seigneur.