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Aussi peut-on rappeler, à l’occasion de cette prélature, le portrait d’un parfait abbé, retracé par un écrivain moderne :

« L’abbé est l’unité cachée qui pénètre les divers éléments de la vie religieuse, et les réunit pour en former un tout homogène ; l’abbé est l’âme qui doit vivre dans tous les membres, les préserver de la dissolution, les faire mouvoir de la manière la plus convenable et les maintenir dans une activité salutaire ; l’abbé est le représentant visible de cet esprit invisible d’où la maison de Dieu tire son origine, qui doit être son but et dans lequel toutes les occupations et toutes les actions des habitants de la maison de Dieu trouvent leur importance et leur destination ; l’abbé est placé sur la hauteur, afin qu’il puisse veiller sur l’ensemble et sur chaque partie, et, prévoyant tous les dangers, les écarter à temps avec prudence en allant au-devant d’eux avec une mâle résolution ; c’est par lui que doit être conservé et transmis à la postérité tout ce que la maison de Dieu a reçu de la pieuse antiquité ; c’est donc à lui et à la sublime tâche qui lui est imposée que se rapportent surtout ces paroles de l’apôtre : « Gardez pour le Saint-Esprit l’excellent dépôt qui nous a été confié[1]. »

L’estime de saint Bernard pour l’abbé d’Hauterive nous est encore attestée par la mission dont il le chargea, probablement peu de temps après qu’il lui eut confié la direction d’Hautecombe. Le roi de Sicile, Roger Ier, avait demandé à l’abbé de Clairvaux deux religieux pour fonder un monastère dans ses États. Celui-ci, redoutant d’envoyer sur une terre étrangère des religieux qui devaient vivre d’abord en dehors de la règle et sans abbé, pria celui

  1. Widmer, Vie de l’abbé Charles-Ambroise de Glutz.