Page:Histoire philosophique et politique des établissemens et du commerce des Européens dans les deux Indes, v9.djvu/264

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On a dit que nous étions tous nés égaux : cela n’eſt pas. Que nous avions tous les mêmes droits. J’ignore ce que c’eſt que des droits, où il y a inégalité de talens ou de force, & nulle garantie, nulle ſanction. Que la nature nous offroit à tous une même demeure & les mêmes reſſources : cela n’eſt pas. Que nous étions doués indiſtinctement des mêmes moyens de défenſe : cela n’eſt pas ; & je ne ſais pas en quel ſens il peut être vrai que nous jouiſſons des mêmes qualités d’eſprit & de corps.

Il y a entre les hommes une inégalité originelle à laquelle rien ne peut remédier. Il faut qu’elle dure éternellement ; & tout ce qu’on peut obtenir de la meilleure légiſlation, ce n’eſt pas de la détruire ; c’eſt d’en empêcher les abus.

Mais en partageant ſes enfans en marâtre ; en créant des enfans débiles & des enfans forts, la nature n’a-t-elle pas formé elle-même le germe de la tyrannie ? Je ne crois pas qu’on puiſſe le nier ; ſur-tout ſi l’on remonte à un tems antérieur à toute légiſlation, tems où l’on verra l’homme auſſi paſſionné, auſſi déraiſonnable que la brute.