Page:Hobbes - Œuvres philosophiques et politiques (trad. Sorbière), 1787.djvu/226

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vie ou de sa santé. je ne vois donc pas pourquoi c’est qu’un esclave se plaint en cet égard de la perte de sa liberté, si ce n’est qu’on doive réputer à grande misère d’être retenu dans le devoir et d’être empêché de se nuire à soi-même ; car, n’est-ce pas à condition d’obéir qu’un esclave reçoit la vie et les aliments, desquels il pouvait être privé par le droit de la guerre, ou que son infortune et son peu de valeur méritaient de lui faire perdre ? Les peines dont on l’empêche de faire tout ce qu’il voudrait, ne sont pas des fers d’une servitude mal aisée a supporter, mais des barrières très justes qu’on a mises à sa volonté. Par ainsi, la servitude ne doit pas paraître si fâcheuse à ceux qui en considéreront bien la nature et l’origine. Elle est d’ailleurs si nécessaire et si ordi­naire dans le monde, qu’on la rencontre dans les États les plus libres. Mais, de quel privi­lège donc, me direz-vous, jouissent les bourgeois d’une ville ou les fils de famille, par-dessus les esclaves ? C’est qu’ils ont de plus honorables emplois et qu’ils possèdent davantage de choses superflues. Et toute la différence qu’il y a entre un homme libre et un esclave est que celui qui est libre n’est obligé d’obéir qu’au public et l’esclave doit obéir aussi à quelque particulier. S’il y a quelque autre liberté plus grande, qui affranchisse dès l’obéissance aux lois civiles, elle n’appartient pas aux personnes privées et est réservée au souverain.