Page:Hobbes - Œuvres philosophiques et politiques (trad. Sorbière), 1787.djvu/248

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prudence, son adresse et son éloquence dans les plus difficiles et importantes délibérations ; ce qui chatouille bien fort tous ceux qui possèdent, ou qui croient de posséder en quelque degré éminent ces belles qualités ; à cause que les hommes sont naturellement dési­reux de la gloire, et se piquent de celle de l’esprit plus que de toutes les autres. Mais sous une monarchie, ce chemin à la gloire et aux dignités est fermé à la plupart des personnes privées. Or, n’est-ce pas-là, je vous prie, une très grande incommodité de cette sorte de gouvernement ? je vous dirai ce que j’en pense. Voir préférer l’opinion de tel, que nous méprisons, à la nôtre ; souffrir qu’on se moque, en notre présence, de notre sagesse ; sur le hasard d’une vaine gloire, faire des inimitiés certai­nes (car cela est infaillible, soit qu’on nous surmonte, ou que nous l’emportions) ; haïr et être haï à cause de la dissemblance des opinions ; découvrir à chacun, sans qu’il en soit de besoin et sans fruit, ce que nous avons dans l’âme ; négliger nos affaires domes­tiques : c’est ce que j’estime de véritables incommodités. Mais de n’être pas dans une conti­nuelle dispute d’esprit et de suffisance, bien que ceux qui ont la langue bien pendue s’y plaisent, ce n’est pas un grand inconvénient ; si ce n’est qu’on veuille dire, que parmi les gens d’épée, c’est une fâcheuse mortification aux vaillants que de les empêcher de se battre tous