Page:Hobbes - Œuvres philosophiques et politiques (trad. Sorbière), 1787.djvu/328

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qu’elle ne les attaque point, comme celle de bâtir sa propre maison sur le sable.


XVII. Mais lorsqu’il est question des lois, le mot de péché a une signification plus étroite et ne regarde pas toute action contraire au bon sens : mais seulement celles que l’on blâme, d’où vient qu’on le nomme mal de coulpe. Et bien qu’une chose soit exposée au blâme, il ne s’ensuit pas tout aussitôt qu’elle soit dès là un péché, ni qu’on la doive nommer une coulpe ; mais si c’est avec raison, qu’elle soit blâmée. Il faut donc rechercher ce que c’est que blâmer raisonnablement, ou au rebours blâmer hors de raison. Les hommes sont de cette nature, que chacun nomme bien ce qu’il dési­rerait qu’on lui fit et mal ce qu’il voudrait éviter ; de sorte que suivant la diversité de leurs affections, il arrive que ce que l’un nomme bien, l’autre le nomme mal ; et qu’une même personne prend des sentiments contraires en fort peu de temps, ou qu’elle approuve en soi et qualifie bonne, une chose qu’elle blâme et veut faire passer pour mauvaise en autrui. Car au fond, nous mesurons tous le bien et le mal de quelque chose, au plaisir ou à la douleur qui nous en reviennent présentement, ou que nous en attendons. Et d’autant que nous voyons de mauvais œil les bons succès de nos ennemis, à cause qu’ils augmentent leurs honneurs, leurs richesses et leur puissance, et ceux de nos égaux, parce que nous leur disputons le