Page:Hobbes - Œuvres philosophiques et politiques (trad. Sorbière), 1787.djvu/358

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ni qu’il y a plusieurs dieux, parce qu’il ne peut y avoir plusieurs natures infinies. Au reste, touchant les attributs de la félicité, nous penserons que tous ceux-là qui signifient quelque douleur sont indignes de Dieu (si ce n’est qu’on ne les prenne pas pour une affection, mais figurément et par métonymie pour un certain effet) tels que sont ceux de la repen­tance, de la colère, de la pitié ; ou qui emportent quelque défaut, comme ceux de l’appé­tit, de l’espérance, de la convoitise, et cette sorte d’amour qu’on nomme aussi concupiscence ; car ils marquent je ne sais quelle disette, vu qu’il est impossible de concevoir que quelqu’un désire, espère, ou souhaite, si ce n’est quelque chose dont il souffre la privation ; ou qui dénotent en la personne à laquelle on les donne quelque faculté passive ; car souffrir est le propre d’une puissance limitée et qui dépend de quelque autre. Quand donc nous attribuons à Dieu une volonté, il ne faut pas l’ima­giner de même que la nôtre, que nous nommons un appétit raisonnable : d’autant que si Dieu désirait, il manquerait de quelque chose, ce que l’on ne peut pas avancer sans lui faire injure ; mais il faut supposer je ne sais quoi d’analogue, qui a du rapport et que nous ne pouvons pas nettement concevoir. Ainsi, quand nous attribuons à Dieu la vue et les autres actions des sens, ou la science et l’entendement, qui ne sont en nous que des émotions de l’âme suscitées