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SIM I ANE


sa famille. Il n’en a pas été ainsi, et il faut chercher les causes de cette demi-obscurité où M me de Simiane s’est volontairement effacée, dans le besoin de repos et de silence. Dès son heureuse enfance, on devine déjà chez elle une âme facile à troubler, par quelques indices de cette inégalité d’humeur, seul défaut que les amis de M ITje de Simiane eussent à lui reprocher, et qui provenait d’une trop grande sensibilité. M nie de Sévigné, avec un discernement exquis, comprenait ainsi le caractère de sa petite-fille , et, de loin, donnait des conseils dont la sagesse devait tempérer les principes sévères de M me de Grignan. Celle-ci, après huit ans de séparation, retrouve, en 1688, Pauline difficile à gouverner, et songe à la remettre dans les mains des religieuses d’Aubenas, à qui elle l’avait confiée durant son absence. C’est alors que l’aimable grand-mère combat cette idée en présentant à Mme de Grignan ses devoirs maternels comme une tâche pleine d’intérêt ; elle réussit à gagner sa cause. La jeune fille reste auprès de ses parents, et égayé, par sa grâce et sa vivacité, le somptueux séjour de Grignan. « Son esprit sera sa dot, » disait sa grand’mère. C’est qu’en effet il fallait faire valoir celte considération auprès de M me de Grignan, inquiète de l’avenir. Déjà, trois de ses filles ou belles-filles s’étaient faites religieuses ; il ne restait que Pauline, M lle de Mazargues, pour qui il semblait difficile de trouver un bon parti. Cependant elle fut mariée d’assez bonne heure, et épousa, le 29 septembre 1695, au retour d’un voyage à Paris qu’elleavait fait avec sa mère , Louis de Simiane du Claret, marquis de Truchenu et d’Esparron, premier gentilhomme de la chambre du duc d’Orléans, lieutenant des gendarmes écossais, qui succéda en 1715 à son beau-père dans la charge de lieutenant général de Provence. M m e de Simiane fut nommée dame de compagnie de M rae la duchesse d’Orléans, et resta à la cour jusqu’en 1704. La perte de son frère et de sa mère , qui moururent en 1704 et en 1705, la mort de son mari, arrivée en 1718, les procès qu’il lui fallut soutenir contre les créanciers de son père, achevèrent d’attrister son existence, et lui firent prendre le parti de ne plus sortir de sa retraite. Une seule fois nous la voyons encore au nombre des quatre dames choisies pour accompagner à Antibes Mue de Valois, fille du régent, qui allait épouser le duc de Modène. Elle éleva et maria deux de ses trois filles, Sophie, au marquis de Vence, dont la postérité existe encore, et Julie- Françoise, au marquis de Castellane.

C’est dans sa terre de Belombre, près d’Aix, que M in e de Simiane passa ses dernières années, très - recherchée par quelques amis fidèles, parmi lesquels on distingue Massillon et le marquis d’Héricourt , intendant de la marine à Marseille, à qui sont adressées presque toutes les lettres que l’on possède d’elle. Cette correspondance ne comprend que les dernières années de sa vie (1731 à 1737). 11 n’y faut pas chercher l’intérêt et la variété des lettres de son aïeule, mais un esprit, au fond solide et sérieux, l’aisance d’une femme du monde, et elles donnent l’idée d’un commerce agréable. Il y a loin de là à ces lettres de la jeune Pauline, dont sa grand’mère disait : « M me de La Fayette en oublia l’autre jour une vapeur dont elle était suffoquée. » Mais c’est que la transition d’une jeunesse brillante à une existence austère et dépouillée s’est faite par des années de souffrances et de tracasseries, parmi lesquelles on doit compter dix années employées à plaider. On cite quelquefois ces vers qu’elle adressa à un de ses juges : Lorsque j’étais encor cette jeune Pauline, J’écrivais, dit-on, joliment ;

Et sans me piquer d’être une beauté divine. Je ne manquais pas d’agrément.

Mais depuis que les destinées

M’ont transformée en pilier de palais, Que le cours de plusieurs années

A fait insulte à mes attraits,

C’en est (ait, à peine je pense ;

Et quand, par un heureux succès

Je gagnerais tout en Provence,

J’ai toujours perdu mon procès.

On a encore quelques pièces de vers de M in c de Simiane, ainsi qu’une allégorie en vers et en prose, adressée à sa cousine, la présidente de lîandol, sous ce titre : Le Cœur de Loulou, qui, en 1715, avait paru dans un recueil intitulé Portefeuille de M me ***. Elle se délassait dans ces simples exercices de l’esprit, sans prétendre à aucune réputation littéraire. Ses Lettres, après la publication qu’en fit La Harpe (Paris, 1773, in-12) reparurent dans l’édition de Grouvelle des Lettres de M me de Sévigné, et se retrouvent dans toutes les éditions suivantes. C’est à Mn> e de Simiane qu’on doit la publication des lettres de sa grand’mère ; mais, cédant à des scrupules de délicatesse plutôt que de dévotion, comme on l’a dit, elle anéantit en grande partie la correspondance de sa mère , où devaient se trouver des détails intimes dont elle redoutait la publicité. Mme c. du Parquet.

Notice sur M me de Simiane, par le chevalier de Perrln, éd. de Grouvelle, Paris, 1806. — Mémoires de Saint-Simon, t. XVII, p. 409. — Histoire de Mme de Sévigné, de sa famille et de ses amis, par J.-Ad. Aubenas. FIN DU QUABANTE-TROISIEME VOLUME.