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les plaines de Marignan ; au spectacle de la sanglante défaite de ses compatriotes, il saisit lui-même l’épée, et se précipita dans la mêlée. De retour dans sa patrie, il se remit à l’étude de la Bible, et il ne tarda pas à se convaincre qu’un grand nombre de cérémonies ecclésiatiques ne datent pas des temps apostoliques. Ce fut sur ces entrefaites, et au moment qu’il commençait i à douter de la valeur de plusieurs parties du culte catholique, qu’il fut appelé comme prédicateur à la chapelle d’Einsiedeln (1516), un des principaux lieux de pèlerinage de cette époque. Il y trouva des hommes que le spectacle des superstitions dont ils étaient tous les jours les témoins avaient convaincus de la nécessité d’une réforme dans l’Église. Ce fut d’accord avec eux qu’on enleva peu après les reliques à l’adoration des pèlerins. Zwingli travailla en même temps à rectifier soit du haut de la chaire, soit dans le confessionnal les idées religieuses de ceux qu’une piété mal entendue attirait à Einsiedeln.

Appelé en 1518 à Zurich comme prédicateur de la cathédrale, il exerça une grande influence sur la partie éclairée des habitants de cette ville. L’arrivée en Suisse du moine Samson, qui venait y vendre les indulgences, et qui conduisait ce trafic avec une impudence blessante , ne fit que hâter l’éclosion des principes nouveaux que Zwingli prêchait déjà depuis quelques années. Les choses marchèrent tellement vite qu’en 1522 l’évêque de Constance crut devoir conjurer le danger, en enjoignant au conseil de Zurich de se garder des hommes qui combattaient la foi de leurs pères. Zwingli, contre lequel était évidemment dirigé ce mandement, quoi qu’il n’y fût pas nommé, y répondit aussitôt en deux écrits, dont le ton ferme montrait assez qu’une rupture ouverte avec l’autorité ecclésiastique était imminente. Elle ne tarda pas à éclater. Sur les instances de Zwingli, le conseil de Zurich appela en 1523 tous les ecclésiastiques des divers cantons ide la Suisse à une discussion publique, sur le résultat de laquelle il se réserva de prononcer. C’était prendre la place de l’évêque et se soustraire à sa juridiction spirituelle. Cette conférence eut lieu, et elle fut suivie d’une décision jdu conseil, qui déclara que son prédicateur n’avait rien prêché qui ne fût conforme à la sainte Ecriture. De ce moment, on marcha à grands pas dans la voie des réformes. En 1525, la messe fut abolie. Bientôt après, les communautés monastiques furent supprimées ; les revenus en furent appliqués au traitement des professeurs d’une université que Zwingli organisa avec autant de promptitude que de sagesse. Eckius, chancelier d’Ingolstadt et Jean Faber, grand vicaire de l’évêque de Constance, lui proposèrent en 1526 une conférence à Bade. Zwingli, se doutant qu’on lui tendait un piège pour s’emparer de sa personne, refusa d’y prendre part. L’événement justifia ses soupçons : Œcolampade, qui l’avait pressé de s’y rendre,


lui écrivit peu de temps après son arrivée à Bade : « Je remercie Dieu de ce que vous n’êtes pas ici. La tournure que prennent les affaires me fait voir clairement que, si vous y étiez venu, nous n’aurions échappé au bûcher ni l’un ni l’autre. » Ne pouvant sévir contre sa personne , on s’en prit à sa doctrine et à ses écrits, qui furent condamnés.

En 1528, Zwingli se transporta à Berne, où il assista à plusieurs conférences , à la suite desquelles la réforme fut introduite dans cette ville. En 1529 , il se rendit à Marbourg, où Philippe, landgrave de Hesse, avait provoqué une conférence entre les différents réformateurs, dans le dessein de les amener à se mettre d’accord sur la doctrine de la Cène et sur les autres points qui les divisaient. Après bien des entretiens particuliers et des discussions publiques, on rédigea quatorze articles relatifs aux points controversés, et on les signa d’un commun accord ; mais on ne put pas s’entendre sur la doctrine de l’eucharistie. On fit cependant une sorte de trêve sur cet article, et il fut décidé que la différence qui divisait les Suisses et les Allemands ne devait pas troubler l’harmonie ni les empêcher d’exercer les uns envers les autres la charité chrétienne. Pour sceller la réconciliation des deux partis, le landgrave exigea de Luther et de Zwingli la déclaration qu’ils se regardaient comme frères. Zwingli y consentit sans peine ; mais tout ce qu’on put obtenir de Luther, ce fut la promesse de modérer à l’avenir ses expressions. La paix qui avait été rompue en 1529, et bientôt après rétablie entre les cantons protestants et les cantons catholiques, fut de nouveau rompue en 1531. Zwingli, que les cantons catholiques accusaient d’exciter les passions des cantons protestants , voulut se sacrifier à la paix publique , et conjura le conseil de Zurich, en juillet 1531, de lui accorder la permission de se retirer. Le conseil s’y refusa ; il lui donna même l’ordre d’accompagner les hommes qui entraient en campagne. Il obéit, quoiqu’il ne fût pas sans inquiétude sur l’issue d’une affaire dans laquelle Zurich, abandonné de ses alliés, allait avoir à soutenir le choc des cantons de Schwitz, d’Uri, d’Unterwald, de Zug et de Lucerne. La rencontre eut lieu à Cappel, le 11 octobre 1531. Ce fut moins un combat qu’un carnage. Zwingli périt au milieu de la mêlée, en même temps que Jérôme Pontanus , docteur en théologie de Bâle. « Ils peuvent tuer le corps, mais non l’âme, » dit-il en tombant. Ce furent ses dernières paroles. Son corps ne fut reconnu que le lendemain de la bataille; les fanatiques vainqueurs le mirent en pièces.

Zwingli a été, dans l’ordre chronologique, le premier des réformateurs du seizième siècle. Luther n’était pas encore au clair avec ses principes que l’esprit décidé et logique du réformateur suisse avait déjà rompu avec la hiérarchie catholique et commencé à travailler « à la