Page:Hoffmann - Œuvres complètes, tome III.djvu/106

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raillage d’espadons et de rapières, et de vouloir bien me laisser poursuivre paisiblement mon chemin.

» Non, non ! s’écria Fabian, tu ne m’échapperas pas ainsi, mon cher ami ! Si tu ne veux pas me suivre à la salle d’armes, eh bien, j’irai avec toi dans le petit bois. Il est de mon devoir, en ma qualité de ton fidèle ami, de chercher à dissiper ta tristesse. Allons donc, mon cher Balthasar, sortons, puisque tu le veux ainsi. » En même temps, il saisit le bras de son ami et se mit résolument en marche. Balthasar serrait les dents réprimant sa rage secrète, et il persista à garder un sombre silence, pendant que Fabian débitait, sans reprendre haleine, mille récits plaisants, entremêlés de beaucoup de sottises, comme cela arrive toujours dans les récits plaisants débités coup sur coup et sans reprendre haleine.

Lorsqu’ils furent enfin arrivés sous les frais ombrages du bois odoriférant, au doux murmure des buissons pareil à des soupirs langoureux, à la merveilleuse mélodie des ruisseaux bruissants, et quand les chants des oiseaux retentirent dans l’air et réveillèrent l’écho de la montagne voisine, alors Balthasar s’arrêta subitement et s’écria en étendant les bras comme s’il eût voulu presser d’une amoureuse étreinte les buissons et les arbres : « Ô maintenant je me sens bien !… inexprimablement bien ! » — Fabian regarda son ami avec un certain ébahissement, comme quelqu’un à qui échappe le sens des paroles d’autrui, et qui est fort embarrassé de ce qu’il doit en faire. Mais Balthasar saisit sa main,