Page:Hoffmann - Œuvres complètes, tome III.djvu/12

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ration entre nous à jamais proscrite !… Par quel merveilleux hasard elle était venue là, quel événement avait pu l’amener dans la société du conseiller de justice, dont je ne me rappelais nullement qu’elle eût jamais fait partie : c’est à quoi je ne pensai même pas. — Elle m’était rendue !…

Il faut que je sois resté sottement immobile et comme frappé par la baguette d’un enchanteur ; car le conseiller, me poussant doucement, me dit : « Eh bien, cher ami ! eh bien ? » J’avançai machinalement, mais je ne voyais qu’elle, et de ma poitrine oppressée s’échappèrent péniblement ces mots : « Mon Dieu, mon Dieu ! Julie ici ? » — J’étais tout près de la table à thé, alors seulement Julie m’aperçut. Elle se leva et dit d’un ton presque indifférent : « Je suis ravie de vous voir ici. — Vous avez l’air bien portant ! » Après quoi elle se rassit ; et se penchant vers la dame assise auprès d’elle : « Pouvons-nous, demanda-t-elle, compter sur un spectacle intéressant pour la semaine prochaine ? » —

Tu t’approches d’une fleur magnifique et chérie qui t’attire avec son suave parfum ; mais au moment où tu te baisses pour admirer de plus près son éclat et sa fraicheur, un basilic froid et luisant s’élance de son brillant calice, et te menace de ses regards meurtriers ! — C’est ce qui venait de m’arriver.

Je m’inclinai gauchement devant les dames ; et pour que le ridicule vint se joindre à la déception, en me reculant précipitamment, je heurtai le conseiller, qui était immédiatement derrière moi, et sa tasse de thé bouillant inonda son jabot coquettement