Page:Hoffmann - Œuvres complètes, tome III.djvu/122

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nière la plus originale, je l’ai oublié, je me souviens seulement qu’ils avaient la propriété singulière de paraître toujours plus foncés, plus on s’arrêtait à les considérer. D’une taille svelte et avantageuse, pleine d’aisance dans ses mouvements, Candida, surtout au milieu d’une société joyeuse, était la grâce et l’aménité en personne ; et devant tant de charmes corporels, on négligeait de remarquer que sa main et son pied auraient pu avoir peut-être des proportions plus petites et plus élégantes. D’ailleurs elle avait lu Wilhelm Meister, de Goethe, les poésies de Schiller, l’Anneau magique, de Fouqué, et avait oublié presque immédiatement tout leur contenu ; elle touchait fort passablement du piano-forté, et chantait même quelquefois en s’accompagnant ; elle dansait les contredanses françaises et les gavottes les plus nouvelles, et elle écrivait la note du blanchissage d’une main lisible et légère. Bref, voulait-on absolument reprendre quelque chose dans cette demoiselle, c’eût été peut-être qu’elle n’avait pas la voix assez flûtée, qu’elle se laçait trop fort, se réjouissait trop long-temps d’un chapeau neuf, et consommait trop de gâteaux avec le thé. Pour certains esprits poétiques transcendants, ils auraient trouvé assurément à redire sur bien d’autres choses encore, mais aussi jusqu’où ne va pas l’exigence de ces gens-là ?

D’après leurs prétentions, il faut d’abord que la demoiselle tombe à tout ce qu’ils débitent sur son compte dans une extase somnambulique, qu’elle soupire profondément, qu’elle roule les yeux, et