Page:Hoffmann - Œuvres complètes, tome III.djvu/148

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les bras dans l’espace comme transporté d’une ardeur insensée : « Écoute, dit-il, ô référendaire ! quelle musique céleste résonne à travers le bois, s’alliant au murmure du vent du soir ! Entends-tu comme le bruit de la source devient plus expressif, comme les buissons et les fleurs confondent dans cette harmonie leurs tendres soupirs ? »

Le référendaire prêta l’oreille pour écouter les accords dont parlait Balthasar. « En effet, dit-il, j’entends vibrer sous le feuillage la musique la plus délicieuse, la plus enivrante que j’aie jamais entendue, et mes sens sont profondément émus et charmés. Mais ce n’est pas le vent du soir, ni les buissons, ni les fleurs qui produisent cette harmonie : je croirais plutôt distinguer les sons les moins aigus d’un harmonica touché dans le lointain. »

Pulcher ne se trompait pas. En effet, les accords pleins et soutenus qui retentissaient toujours de plus en plus, ressemblaient aux sons d’un harmonica dont pourtant la grandeur et la portée devaient être prodigieuses. Les deux amis, ayant avancé de quelques pas, eurent tout-à-coup devant les yeux un spectacle si magique, qu’ils restèrent immobiles et glacés de stupeur comme enchaînés à leur place. À peu de distance devant eux roulait lentement à travers le bois un char occupé par un homme habillé à peu près à la chinoise, la tête couverte d’un large bonnet surmonté d’un brillant panache. La voiture offrait l’aspect d’une double coquille ouverte de cristal étincelant, avec deux roues qui paraissaient être de la même matière ; leur mouvement produi-