Page:Hoffmann - Œuvres complètes, tome III.djvu/162

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ainsi d’un air grave et à demi-voix : « D’après tout ce que vous venez de me dire, Balthasar, il n’y a pas le moindre doute qu’il y a ici en jeu quelque étrange mystère. Mais il faut découvrir d’abord la cause des effets qu’on veut empêcher ; il faut connaître l’ennemi qu’il s’agit de combattre. — Il est très-probable que ce petit Cinabre n’est autre chose qu’une mandragore : c’est ce que nous allons savoir immédiatement. »

En disant ces mots, Prosper Alpanus tira un des cordons de soie qui pendaient tout autour des parois de la chambre. Un rideau s’ouvrit avec fracas laissant visibles de grands in-folio magnifiquement reliés, et rangés avec soin ; une échelle élégante et légère en bois de cèdre descendit comme portée sur des ailes, et se posa sur le plancher. Prosper Alpanus monta sur cette échelle, et prit sur le rayon le plus élevé l’un des in-folio qu’il déposa sur la table de marbre après l’avoir soigneusement épousseté avec un gros faisceau de brillantes plumes de paon. « Cet ouvrage, dit-il ensuite, traite des mandragores ou hommes-racines, qui sont tous représentés ici : peut-être y trouverez-vous votre maudit Cinabre, et dès-lors il est en notre pouvoir. »

Lorsque Prosper Alpanus eut ouvert le volume, les deux amis virent une foule d’images bien enluminées qui représentaient les plus grotesques petits nains contrefaits, avec les plus étranges visages qui se puissent imaginer. Et quand le docteur touchait le portrait d’un de ces petits masques, il devenait aussitôt vivant, il s’élançait hors du livre, sautait