Page:Hoffmann - Œuvres complètes, tome III.djvu/180

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Or, le prince était fort scrupuleux sur cet article, comme sur toute autre matière important positivement au salut de l’état. C’était entre l’os de la hanche et le coccyx, à trois seixièmes de pouce en avant de celui-ci, dans une direction oblique, que devait se trouver la plaque de l’ordre du Tigre moucheté de vert, suspendue au grand cordon. Et c’est à quoi l’on ne pouvait parvenir à l’égard de Cinabre. Le valet de chambre, deux pages et le prince lui-même s’en mêlèrent : tous leurs efforts furent inutiles. Le traître de cordon glissait toujours, par ici, par là, et Cinabre se mit à piailler avec humeur : « Qu’avez-vous donc à vous trémousser ainsi autour de moi ? Laissez pendre cette sotte chose comme il lui plaira, je n’en suis et n’en serai pas moins toujours ministre !

» A quoi bon, dit alors le prince en colère, ai-je donc des conseils de l’ordre, s’il existe à l’égard des cordons des règlements aussi sots et tout-à-fait contraires à ma volonté ? Patience, mon cher ministre Cinabre ! bientôt cela changera ! »

Sur l’injonction du prince, le conseil de l’ordre fut convoqué, et l’on y adjoignit pour renfort deux philosophes et un naturaliste, qui se trouvait momentanément dans la Résidence, arrivant du pôle austral. L’objet de la délibération devait être de trouver l’expédient le plus ingénieux pour suspendre au ministre Cinabre le cordon du Tigre moucheté de vert, conformément à l’usage. Afin d’obtenir toute l’énergie de facultés nécessaire à cette importante délibération, il fut prescrit à tous les membres de la commission