Page:Hoffmann - Œuvres complètes, tome III.djvu/21

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peu extraordinaire. Une question voltigeait déjà sur les lévres de l’hôte, lorsqu’on frappa en dehors aux carreaux, et une voix s’écria d’en haut : « Ouvrez, ouvrez ! c’est moi. » L’hôte courut aussitôt, et rentra immédiatement avec deux flambeaux allumés qu’il tenait élevés dans ses mains. Un homme fort grand et élancé le suivait, il oublia de se baisser en passant sous la porte-basse et se cogna rudement à la tête ; mais une calotte noire qu’il portait en guise de toque, amortit le coup. Il se glissa d’une manière toute particulière le long de la muraille, et vint s’asseoir en face de moi, l’hôte en même temps posait les deux lumières sur la table.

On pouvait presque dire de cet homme qu’il avait une physionomie aussi morose que distinguée. Il demanda d’un air soucieux de la bière et une pipe, et en quelques aspirations il produisit une telle fumée que nous nageâmes bientôt dans un épais nuage. Du reste son visage avait quelque chose de si caractéristique et de si attrayant, qu’en dépit de son air sombre je me sentis tout d’abord du penchant pour lui. Ses cheveux noirs et abondants étaient séparés sur son front et retombaient des deux côtés en nombreuses petites boucles, ce qui le faisait ressembler aux portraits de Rubens. Lorsqu’il eut déposé son grand collet, je vis qu’il était vêtu d’une kurtka noire garnie de quantité de brandebourgs ; mais ce qui me surprit étrangement, ce fut de voir, ce dont je m’aperçus quand il secoua sa pipe qu’il avait achevé de fumer en moins de cinq minutes, qu’il avait mis par-dessus ses bottes d’élégantes pantoufles.