Page:Hoffmann - Œuvres complètes, tome III.djvu/261

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mon cher Théodore, à te transmettre ici mot pour mot le dialogue intéressant qui s’établit entre la signora et moi. Mais en voulant transcrire en allemand ses discours, je ne trouve que des mots rebelles et impuissants, que des tournures pesantes, pour rendre ce qu’elle énonçait dans l’idiôme toscan avec une grâce et une aisance incomparables.

En l’entendant parler de Don Juan et de son propre rôle, il me semblait que la profondeur de ce chef-d’œuvre se dévoilât à mes yeux pour la première fois, et j’embrassais d’un libre regard les perspectives nouvelles d’un monde fantastique. Elle me dit que la musique était son âme, sa vie, et que souvent en chantant il lui semblait lire dans les mystérieuses obscurités de la pensée des choses que ne pouvait exprimer aucun langage. « Oui, poursuivit-elle l’œil étincclant et d’une voix plus accentuée, j’en conçois passagèrement une idée nette et précise, mais tout ce qui m’entoure reste froid et mort, le charme se brise : et tandis qu’on applaudit à outrance une roulade compliquée, une fioriture difficile, une crispation glaciale étreint mon cœur brûlant ! — Mais toi, — toi, tu me comprends : car je sais que tu as aussi pénétré dans ces régions merveilleuses et romantiques, peuplées par les célestes magies des tons.

» Comment ! femme incompréhensible et sublime, tu me connaitrais ?

» Le rôle de *** dans ton dernier opéra, ce rôle si profondément empreint de la frénésie enchanteresse d’un amour éternellement passionné, n’est-il pas de