Page:Hoffmann - Œuvres complètes, tome III.djvu/270

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et intellectuelle ; et le feu du désir qui faisait bouillonner incessamment le sang dans ses veines, excitait chez lui une passion insensée et infatigable pour toutes les apparitions du monde terrestre, qu’il espérait en vain devoir combler le vide de son cœur !

Or, qu’y a-t-il sur cette terre qui excite à un plus haut degré que l’amour la sensibilité intime de l’homme ? l’amour dont l’action mystérieuse et toute-puissante exalte ou pervertit jusqu’aux éléments de notre être ; il n’est donc pas étonnant que ce soit à l’amour surtout que Don Juan ait demandé de calmer la soif brûlante qui consumait sa poitrine, ni que ce soit par là que le diable ait mis le grapin sur lui. — L’esprit malin suggéra perfidement à Don Juan la pensée que l’amour, la jouissance de la femme, pouvait réaliser déjà sur la terre ce que notre esprit n’imagine que comme une promesse de la vie future, ce qui provoque cette appétence infinie de notre âme, d’où ressort son affinité avec la nature divine.

Sans cesse sacrifiant une belle femme à une autre plus belle, épuisant la coupe du plaisir jusqu’à satiété, poursuivant dans l’ivresse de la volupté le désenchantement de ses sympathies successives, toujours croyant s’être trompé dans son choix, et espérant toujours découvrir quelque part la source idéale de cette félicité entrevue en rêve, comment Don Juan n’eût-il pas à la fin trouvé la vie terrestre plate et insipide ! Mais comme il méprisait souverainement les hommes, ce fut contre la créature qu’il avait comblée de sa prédilection que se révol-