Page:Hoffmann - Œuvres complètes, tome III.djvu/291

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

il fit signe à la jeune fille d’approcher. La petite posa aussitôt son instrument sur la table, s’avança, et fit une révérence en baissant modestement les yeux. « Mignon ! répéta encore Ludwig comme hors de lui-même, charmante, délicieuse Mignon !

— On m’appelle Émanuela, dit la jeune fille.

— Et ce vilain coquin là-bas, poursuivit Ludwig, où t’a-t-il enlevée, pauvrette ? Comment t’a-t-il fait tomber dans ses piéges sataniques ? — Je ne vous comprends pas, monsieur, répliqua la petite en levant les yeux et arrêtant sur Ludwig un regard sérieux et pénétrant ; je ne sais ce que vous voulez dire, ni quel est le but de ces questions.

« Tu es Espagnole, mon enfant ? dit Euchar. — Oui certes, répondit la jeune fille d’une voix émue, oui certes je la suis : vous le voyez, vous le sentez à mon accent, et je ne songe pas à le nier. — Ainsi, reprit Euchar, tu pinces sans doute aussi de la guitare, et tu sais bien aussi quelque chanson ? » La jeune fille mit une main devant ses yeux, et elle murmura d’une voix presque inintelligible : « Ah ! messieurs ! je voudrais bien vous jouer et vous chanter quelque chose ; mais les chansons que je sais sont toutes de feu ; et il fait si froid ici ! — si froid.

— Eh bien ! connais-tu, lui dit Euchar en espagnol et en élevant la voix, connais-tu la chanson : Laurel inmortal… ? »

La jeune fille joignit les mains, leva le regard vers le ciel, et des larmes brillèrent comme des perles dans ses yeux. Elle courut précipitamment saisir la guitare sur la table, revint en volant plutôt qu’en