Page:Hoffmann - Œuvres complètes, tome III.djvu/301

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vantés à l’avance. S’agissait-il, par exemple, de grimper à un arbre élancé, et tout le monde y avait-il renoncé, on était sûr, le moment d’après, de trouver le petit Euchar juché au sommet, s’il s’était trouvé seul une demi-minute.

Avec des manières froides et les dehors de l’indifférence, l’enfant n’éprouvait que des sentiments passionnés, et il avait cette constance de caractère qui est le propre des âmes fortement trempées. Lorsqu’en de certains moments, ses sensations comprimées se manifestaient par ses actes, c’était avec une énergie et un entraînement irrésistibles, de sorte que chacun s’étonnait de voir cet enfant nourrir en secret une aussi ardente sensibilité. Plusieurs précepteurs, gens fort sensés, y perdirent leur latin ; le dernier seulement assura que son éléve était d’une nature poétique, ce qui effraya à l’excès le père d’Euchar ; car il tremblait qu’un jour l’enfant n’eût l’étrange caractère de sa mère, à qui les cérémonies de cour les plus brillantes ne manquaient pas de donner la migraine et des nausées. Mais l’intime du papa, un chambellan coquet et tiré à quatre épingles, déclara positivement que le susdit précepteur était un âne, qu’un sang noble et des plus purs coulait dans les veines du jeune baron, et que par conséquent sa nature était baronique et non poétique. Cela tranquillisa singulièrement le bonhomme.

On peut se figurer comment ces dispositions premières de l’enfant durent se développer dans le jeune homme. La nature avait imprimé sur