Page:Hoffmann - Œuvres complètes, tome III.djvu/307

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de cette vision fatale, je porte à mes lèvres sans précaution ma tasse pleine d’un chocolat fumant, et je me brûle si horriblement, que tu peux encore en voir les traces, malgré l’énorme quantité de pommade dont j’ai fait usage.

» Je sais bien que les souffrances d’autrui ne te touchent que médiocrement : je passe donc sous silence la foule d’accidents déplorables dont le sort jaloux se plut à me harceler durant toute la journée. Je te dirai seulement que lorsqu’enfin le soir arriva, et comme j’étais en train de m’habiller, une maille de mes bas de soie se rompit, et deux boutons de mon gilet sautèrent ; sur le point de monter en voiture, je laisse tomber mon wellington dans le ruisseau, et puis dans la voiture, lorsque je veux assujétir plus solidement sur mes souliers mes boucles-patent4, je suis frappé de terreur en reconnaissant au toucher que le butor de valet de chambre m’avait mis des boucles dépareillées. Je fus obligé de rentrer à l’hôtel, et je m’attardai au moins d’une grande demi-heure.

» Victorine vint à ma rencontre dans tout l’éclat des charmes les plus séducteurs. Je l’invite pour la première valse. Elle commence : j’étais aux cieux ! Mais tout à coup j’éprouvai la malice cruelle de l’infernal destin.

— De l’enchaînement des choses ! l’interrompit Euchar.

— Comme il te plaira, répartit Ludwig, aujourd’hui tout m’est indifférent. Bref, ce fut une fatalité diabolique qui me fit trébucher avant-hier contre