Page:Hoffmann - Œuvres complètes, tome III.djvu/312

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plus courageusement son affreuse destinée. « Mais dis-moi donc, mon bon ami, dit-il à Euchar, qui s’était mis à lire, dis-moi, tu étais aussi invite au bal ? — Oui, répondit Euchar avec indifférence et levant à peine les yeux de dessus son livre.

— Et tu n’y es pas venu, et tu ne m’a pas même ouvert la bouche de cette invitation ! — J’étais retenu, répliqua Euchar, par une affaire plus importante pour moi que n’importe quel bal au monde, eût-il même été donné par l’empereur du Japon.

— La comtesse Victorine, reprit Ludwig, s’est informée avec beaucoup d’instances du motif de ton absence. Elle paraissait même si inquiète et tournait du côté de la porte des regards si assidus, qu’en vérité j’aurais pu devenir jaloux, et croire que tu avais enfin pour la première fois réussi à toucher un cœur de femme, si tout ne s’était expliqué naturellement. J’ose à peine te répéter avec combien peu de ménagement la jeune comtesse s’est prononcée sur ton compte. Tu n’étais rien moins, disait-elle, qu’un original insensible et chagrin, dont la présence lui était à charge dans une réunion joyeuse, et toute sa crainte était que tu ne vinsses encore cette fois la troubler au milieu de son plaisir. Aussi a-t-elle été enchantée de ne pas le voir arriver. — À parler franchement, je ne conçois pas du tout, mon cher Euchar, comment toi que le ciel a doué de tant d’avantages moraux et physiques, tu as un malheur aussi décidé auprès des dames, et pourquoi, par exemple, je prévaux toujours sur toi. Homme froid ! homme froid ! Je suis tenté de te croire absolument