Page:Hoffmann - Œuvres complètes, tome III.djvu/329

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progrès de plus en plus rapides de l’ennemi. Valence fut peu à peu bloquée de toutes parts, et Blake, réduit aux dernières extrémités, résolut de franchir la ligne des assiégeants avec douze mille hommes de troupes d’élite. On sait qu’un très petit nombre seulement put y parvenir, et que le reste fut massacré ou refoulé dans la ville. Ce fut grâce à la résistance opiniâtre qu’Edgar opposa durant plusieurs heures à l’ennemi à la tête du vaillant régiment des chasseurs d’Ovihuela, que cette déroute ne fut pas plus désastreuse encore ; mais, comme à Tarragone, le choc d’une balle le renversa au plus fort du combat.

Edgar, depuis ce moment jusqu’à ce qu’il reprit toute sa connaissance, tomba dans un état qu’il m’a dépeint comme tout à fait étrange et surnaturel. Souvent il lui semblait entendre au sein d’une mêlée furieuse le tonnerre des bouches à feu, les cris de rage des combattants ; il voyait les Espagnols victorieux renverser tous les obstacles : mais lorsqu’enflammé d’une héroïque ardeur il donnait à son bataillon le signal de la charge, soudain un coup terrible venait l’étourdir et le priver de l’usage de ses sens. Puis, il se sentait distinctement couché sur un lit moelleux, on lui donnait à boire une boisson fraîche, il entendait de douces voix converser ensemble, et il ne pouvait pourtant secouer l’engourdissement du rêve. Une fois, s’imaginant encore être au plus épais de la mêlée, il lui sembla que quelqu’un le saisissait rudement par l’épaule, tandis qu’un chasseur ennemi déchargeait son fusil sur lui. Il sentit la balle le frapper à la poitrine et pénétrer