Page:Hoffmann - Œuvres complètes, tome III.djvu/360

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veritables sentiments, de lui peindre mon désespoir, de lui dire que je n’étais plus le même, que je dansais tout au plus quatre fois dans le courant d’un bal, qu’au théâtre je promenais des regards distraits dans les coulisses, que je négligeais ma toilette, et ainsi de suite. Je le gratifiai généreusement de mes pièces d’or, et en revanche il me consolait chaque matin par une nouvelle lueur d’espérance. Enfin, Victorine reparut à mes yeux : ah, qu’elle était belle ! ô Victorine ! mon trésor, ma chère, ma délicieuse femme ! la douceur, la bonté même !… »

Annette entra et déclara à Ludwig que madame la baronne était surprise au dernier point des idées singulières qui offusquaient ce jour-là l’esprit de monsieur le baron : que d’abord il avait sonné comme si le feu était à la maison, et qu’ensuite il avait la déraison de solliciter de madame la baronne, mortellement malade, qu’elle admit des visites importunes ; qu’elle ne pouvait recevoir personne ce jour-là, et qu’elle présentait ses excuses au monsieur étranger. En disant cela, Annette regarda fixement Euchar dans le blanc des yeux, le toisa de la tête aux pieds, et puis quitta la chambre.

Ludwig baissa les yeux, et, après un moment de silence, poursuivit quelque peu déconcerté : « Tu ne saurais jamais croire avec quelle froideur presque moqueuse Victorine me traita. Si les gages antérieurs de son ardent amour ne m’eussent dûment convaincu que cette conduite était une feinte de sa part, une vengeance qu’elle voulait exercer, j’aurais pu réellement concevoir des doutes fâcheux ; mais, à la fin,