Page:Hoffmann - Œuvres complètes, tome III.djvu/395

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entraîna avec lui Julie à l’écart. On le vit alors s’escrimer et gesticuler avec feu, ôter son turban, le remettre, l’ôter encore et ainsi de suite.

« Que se passe-t-il donc entre le vieux baron et la jeune demoiselle ? demanda Ernest. — En effet, répliqua Willibald, il parait que c’est une affaire importante ; car, bien qu’Exter soit le parrain de la jeune fille, et qu’il l’aime à la folie, il n’a pourtant pas l’habitude de se sauver si vite avec elle loin de la société. »

En ce moment, l’ambassadeur turc parut s’arrêter tout court ; il étendit son bras droit en avant, et cria d’une voix qui retentit dans tout le jardin : « Apporte ! »

Willibald partit d’un bruyant éclat de rire. « Vraiment, dit-il ensuite, ce n’est rien moins que la merveilleuse histoire du chien de mer qu’Exter raconte à Julie au moins pour la millième fois. »

Ernest voulut absolument connaître cette histoire miraculeuse. « Apprends donc, dit Willibald, que le palais du ci-devant ambassadeur était situé sur le rivage du Bosphore, et qu’on descendait jusqu’à la mer par un superbe escalier en marbre de Carrare. Un jour Exter était sur la galerie, plongé dans une profonde méditation ; tout-à-coup un cri perçant et prolongé le fait tressaillir. Il regarde au-dessous de lui : un chien de mer monstrueux vient d’arracher un jeune enfant des bras de sa mère, une pauvre femme turque assise sur les marches de marbre, et il replonge avec sa proie dans les flots. Exter descend précipitamment, la femme tombe à ses pieds en jetant des cla-