Page:Hoffmann - Œuvres complètes, tome III.djvu/420

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allaient donc quitter la chambre pour rentrer au salon, l’ambassadeur turc, qui était resté si longtemps silencieux sur le sofa, et qui n’avait témoigné de sa participation à tout cela, qu’en faisant glisser sa pipe dans tous les sens avec les grimaces les plus étranges, se leva subitement comme un fou et se précipita entre les deux fiancés : « Quoi — quoi, s’écria-t-il, s’épouser tout de suite ! conclure ce mariage ainsi, à l’improviste ! — Je rends justice à tes talents, Max, à ton zèle laborieux, mais tu n’es qu’un apprenti dans la vie, sans expérience, sans acquit, sans usage du monde. Tu marches les pieds en dedans, et tu es incivil dans ton langage, comme je l’ai remarqué tout-à-l’heure lorsque tu as tutoyé ton oncle, le conseiller aulique Reutlinger ! Allons, mon garçon ! il faut courir le monde ! — à Constantinople ! — là tu apprendras tout ce qu’il faut savoir dans la vie, et à ton retour tu épouseras à ton aise cette charmante et jolie enfant, ma chère Juliette. »

Tout le monde parut fort surpris de ce conseil d’Exter. Mais celui-ci prit le conseiller aulique à part ; tous deux se placèrent en face l’un de l’autre, se mirent mutuellement les mains sur les épaules, et échangèrent quelques mots arabes. Puis Reutlinger s’approcha de Max, lui prit la main, et lui dit très-doucement et amicalement : « Mon cher et bon fils Max, mon ami ! fais-moi ce plaisir, va à Constantinople ; cela peut demander six mois tout au plus, et ensuite nous ferons joyeusement la noce ici ! » — Malgré toutes les protestations de sa fiancée, Max dut partir pour Constantinople.