Page:Hoffmann - Œuvres complètes, tome III.djvu/472

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et me dit en riant : « Savez-vous que les mystères de la maison déserte commencent à se dévoiler ? » Je prêtai aussitôt la plus vive attention ; mais comme le comte allait poursuivre sa confidence, la porte de la salle à manger s’ouvrit à deux battants et l’on annonça le diner.

Tout préoccupé des révélations que le comte allait me faire, j’avais machinalement offert mon bras à une jeune personne, et je suivais lentement la colonne cérémoniale des convives. Je conduis ma dame à la place inoccupée qui se trouve devant nous ; en la saluant, je la regarde pour la première fois, et que vois-je ! mon image du miroir si ressemblante, si fidèle dans ses moindres traits, que je ne puis admettre la moindre possibilité d’illusion.

Vous devez bien penser que je sentis tout mon corps frissonner, mais je dois vous certifier aussi que je n’éprouvai pas le plus léger ressentiment de cette fureur amoureuse insensée et funeste qui s’emparaît de tout mon être, lorsque mon haleine évoquait sur la glace cette merveilleuse figure de femme. L’excès de ma surprise ou plutôt de mon effroi dut se peindre clairement sur mes traits ; car la jeune fille me regarda toute étonnée, au point que je crus nécessaire, après m’être remis de mon mieux, de prétexter qu’un vivant souvenir ne me permettait nullement de douter que je ne l’eusse déjà vue quelque part. Mais je ne fus pas médiocrement interdit quand elle me répondit brièvement que la chose était peu probable, attendu qu’elle n’était arrivée à B.... que de la veille et pour la première fois de sa vie.