Page:Hoffmann - Œuvres complètes, tome III.djvu/606

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daigner ; j’avais trouvé les environs agréables, et cependant j’étais passablement effrayé du retard dont j’étais menacé. — As-tu jamais, bienveillant lecteur, été forcé de t’arrêter trois jours en voyage dans une petite ville où tu ne connaissais personne, personne absolument. Si cela t’est arrivé, et à moins qu’un profond chagrin n’eût alors étouffé chez toi tout désir de relation quelconque, tu comprendras assurément mon malaise et mon dépit.

La parole est ici-bas la manifestation la plus directe de l’esprit de vie et de relation : mais les habitants d’une petite ville sont comme les exécutants d’un orchestre bien complet, bien exercé, où leurs voix seules s’accordent et chantent sur un ton juste, de sorte que l’intervention du moindre son étranger produit une dissonnance à leurs oreilles, et les fait taire à l’instant même.

Je me promenais donc tout seul dans ma chambre, plein de mauvaise humeur, lorsque je me souvins tout-à-coup qu’un de mes amis, qui avait séjourné autrefois à G.... durant quelques années, m’avait parlé maintes fois d’un homme instruit et spirituel qu’il y avait intimement fréquenté. Son nom même me revint à l’esprit : c’était le professeur Aloysius Walter, du collège des Jésuites. Je résolus de l’aller trouver et de mettre à profit pour moi-même les anciennes relations de mon ami. — On me dit au collège que le professeur Walter était occupé à faire sa leçon, mais qu’il serait bientôt libre, et l’on me laissait le choix de revenir ou d’attendre dans les salles des étrangers. Je choisis ce dernier parti.