vile et matérielle de la nature peut-elle jamais y conduire ? Vois combien elle est pauvre, comme elle est raide et empruntée ! c’est la transcription d’un texte en langue étrangère que le copiste n’entendait pas, et il a péniblement contrerait les caractères dont il ne pouvait pénétrer la signification. Oui, c’est ainsi que les paysages de ton maître ne sont que des copies correctes d’un original écrit dans une langue qu’il ignore. Mais l’initié véritable sait comprendre la voix de la nature dans les bruissements merveilleux des arbres, des buissons fleuris, des eaux, des montagnes, et son mystérieux langage lui inspire de pieuses et naïves émotions. C’est alors que l’esprit créateur, le souffle divin, vient l’animer et imprime à ses œuvres son indélébile cachet. Jeune homme ! Est-ce qu’à la vue des paysages de nos anciens maîtres tu n’as pas éprouvé une sensation particulière ? Assurément, en leur présence tu ne songes pas à remarquer que les feuilles du tilleul, du pin ou du platane sont plus régulières et plus uniformes dans la réalité, que l’eau naturelle est aussi plus transparente, les fonds du ciel plus vaporeux ; mais l’aspect de l’ensemble te transporte dans une région idéale où tu crois voir l’image resplendissante de la beauté absolue. Consacre donc tes soins et ton labeur à copier la nature matérielle, si tu veux pousser bien haut l’imitation mécanique, mais ne prends pas la pratique pour l’art lui-même. Ce sera seulement quand tu auras pénétré le sens profond de la nature que tu verras s’élever spontanément en toi-même de splendides et fidèles images de ses propres créations. »
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