Page:Hoffmann - Œuvres complètes, tome III.djvu/652

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bonhomie et la franchise de ses manières, un peu cousin du diable, et je préférais causer avec lui immédiatement à la pleine clarté du soleil.

Je le trouvai grimpé sur un grand échafaudage, l’air sombre, absorbé en lui-même, et traçant sur le mur des veines de marbre. Je montai près de lui en silence, et lui tendis les pots de couleur. Il se tourna vers moi avec surprise. « Ne suis-je pas votre apprenti ? » lui dis-je à voix basse. Ces mots lui arrachèrent un faible sourire. Alors je commençai à l’entretenir de ses propres aventures, de façon à lui montrer évidemment que j’étais instruit de tout, mais je vis qu’il croyait m’avoir raconté lui-même son histoire durant l’avant-dernière nuit. Insensiblement j’en vins à la funeste catastrophe, et je lui dis alors tout d’un coup : « C’est donc dans un accès de délire furieux que vous avez tué votre femme et votre enfant ? »

À ces mots, il laisse tomber le pot à couleur et les pinceaux, et s’écrie, en attachant sur moi un regard horrible et les mains élevées en l’air : « Ces mains sont pures du sang de ma femme et de mon fils ! Encore un mot là-dessus, et je me précipite avec vous de cet échafaud sur le pavé de l’église, pour que nos deux crânes s’y brisent à la fois ! »

Ma position devenait réellement embarrassante, et je jugeai à propos de détourner le cours de ses idées. « Oh ! voyez donc, mon cher Berthold, lui dis-je avec tout le sang-froid et le calme que je pus affecter, comme ce vilain jaune d’ocre découle sur le mur ! » Il tourna la tête, et pendant qu’il recueil-