Page:Hoffmann - Œuvres complètes, tome III.djvu/66

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un petit espace un nombre infini d’objets, ressortant, sans fatiguer la vue, si nettement les uns à côté des autres, que, par l’effet même de leur combinaison, chacun d’eux, quoique indépendant de tout le reste, s’harmonise pourtant merveilleusement avec l’ensemble. Je sais que des critiques scrupuleux lui ont reproché une mauvaise ordonnance des masses et une distribution fautive de la lumière ; mais aussi ne s’est-il pas créé un art qui dépasse les règles de la peinture, ou plutôt ses dessins sont-ils autre chose que les magiques reflets des apparitions fantastiques et merveilleuses qu’évoquait son ardente imagination ? Car même dans les scènes qu’il a empruntées à la vie commune, dans ses cortèges, dans ses batailles, etc., c’est un caractère plein d’animation et tout particulier, qui donne a ses groupes, à ses personnages, je ne sais quel aspect humain et surnaturel à la fois. — Dans les sujets même les plus triviaux de la vie ordinaire, comme sa danse de paysans dirigée par des musiciens perchés sur les arbres comme des oiseaux, rayonne l’éclat d’une certaine originalité romantique, de sorte que l’esprit enclin aux idées fantastiques, est séduit à la première vue.

» L’ironie qui met en conflit l’homme et la brute pour tourner en dérision les habitudes et les façons mesquines de l’homme est le symptôme d’un esprit profond ; et c’est ainsi que ces figures grotesques de Callot, à moitié humaines, à moitié bestiales, dévoilent à l’observateur judicieux et pénétrant toute la secrète morale qui se cache sous le masque de la scurrilité. Combien, sous ce rapport, n’y a-t-il pas d’invention dans le diable de la Tentation de Saint-Antoine, dont le nez, transformé en arquebuse, se dirige menaçant contre le saint ermite ? Le joyeux diable artificier, et l’autre qui joue de la clarinette en se servant d’un organe tout particulier pour souffler dans son instrument, ne sont pas moins divertissants.