Page:Hoffmann - Œuvres complètes, tome III.djvu/662

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dans tes veines. Ton ardente imagination t’emporte souvent sur ses ailes au-delà des limites du fantastique, et t’abandonne désarmé dans une région inconnue, dont les hôtes mystérieux pourraient un jour te faire sentir leur pernicieux pouvoir. Si cela te touche un peu, modère-toi donc sur la boisson, et pour te réconcilier avec les nombreux individus que blessent tes façons d’agir excentriques, écris sur ton bureau, sur la porte de ta chambre, partout enfin où cela est praticable, la règle d’or du révérend père franciscain, à savoir : qu’il faut laisser aller le monde comme il va, et ne rien dire que du bien du père prieur. — Mais, dis-moi, mon ami ! n’as-tu rien sur toi qui puisse me servir à amortir un peu la faim qui vient de se réveiller en moi. »

Je me souvins que j’avais emporté pour ma promenade solitaire du matin, un petit pain au beurre que je n’avais pas consommé, et je le trouvai encore enveloppé dans ma poche.

« Une saucisse ou un morceau de viande quelconque m’aurait satisfait davantage, dit Berganza, mais nécessité n’est point scrupuleuse. » Et il mangea avec un contentement manifeste le pain au beurre que je lui présentais par morceaux. Quand il eut fini, il essaya quelques cabrioles dont il s’acquitta un peu lourdement encore, tout en reniflant et en éternuant avec force, presque à l’instar d’un homme, puis il se coucha dans la position du sphinx, en face du banc de gazon où j’étais assis, et fixant sur moi ses yeux clairs et étincelants, il commença en ces termes :