Page:Hoffmann - Œuvres complètes, tome III.djvu/664

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Saavedra a divulgué au public les fruits de l’indiscrétion de Campuzano, je puis te supposer parfaitement instruit de l’histoire antérieure de ma vie, dont je faisais part à mon cher et inoubliable ami Scipion. Tu sais donc qu’il entrait dans mon emploi de porter la lanterne devant les frères quêteurs, qui allaient recueillir les aumônes au profit de l’hôpital. Or, il arriva un soir que, dans une des rues les plus éloignées du couvent, où logeait une vieille dame qui nous distribuait chaque fois de riches aubaines, je me trouvai retenu plus long-temps qu’à l’ordinaire avec mon fallot, attendu que la main bienfaisante ne jugeait pas à propos de se montrer à la fenêtre. — Mahudes voulait me faire quitter la place ; ô que n’ai-je cédé à son injonction !…

Mais ma mauvaise étoile l’emporta, et les puissances infernales avaient juré ma perte. Scipion hurla pour me prévenir ; Mahudes me conjurait d’une voix touchante de m’éloigner : j’allais suivre son conseil, quand la fenêtre s’ouvrit, et un petit paquet tomba par terre. Au moment où je m’en approchais, je me sentis tout-à-coup enlacé dans des bras osseux, comme par les replis d’un serpent ; un long cou de cigogne s’appliqua sur mon dos, un nez de vautour aigu et glacial se mit en contact avec mon museau, et des lévres bleuâtres et desséchées m’effleurèrent de leur haleine pestilentielle. Un violent coup de poing brisa ma lanterne, qui s’échappa d’entre mes dents.

— Je te rattrape enfin, — fils de catin ! vilain — bien-aimé Montiel ! — je ne te quitte plus, ô mon